ENTITES PUBLIQUES
Conformément aux lois n°011/2017 et n°010/2017 du 12 juillet 2017, aux décrets n°2019/322 et N°219/321 du 19 juin 2019, seuls les dirigeants des entreprises et établissement publiques performants devraient percevoir des rémunérations. Mais une étude publiée par le cabinet que dirige Pr. Viviane Ondoua Biwolé révèle que qu’entre 2020 et 2024 la majorité des 336 dirigeants de 112 entités publiques ont été rémunérés en dépit des contre-performances réalisées. Ce qui est contraire aux exigences de bonne gouvernance et de République exemplaire dont le Cameroun se prévaut.
Dans le sens du décret 322/2019 du 19 juin 2019 fixant les catégories d'établissements publics, la rémunération, les indemnités et les avantages de leurs dirigeants, les entreprises et les établissements publics sont classés en cinq (5) catégories. La première catégorie concerne ceux qui produisent plus de 100 milliards de FCFA de Chiffre d’affaires (CA), la 2è catégorie, ceux qui produisent entre 50 et 100 milliards de FCFA de CA, la 3ème catégorie ceux réalisant entre 50 et 10 milliards de FCFA de CA, la 4è catégorie ceux se situant entre 10 et 5 milliards de FCFA de CA, et la 5è catégorie, ceux faisant un CA inférieur à 5 milliards de FCFA. Il ressort que pour les entreprises publiques, trois (3) ont amélioré leurs performances dont la SONATREL passant de la catégorie 5 à 2 ; le PAD passant de la catégorie 3 à 2 ; EDC passant de 4 à 3 ; quatre (4) ont consolidé leurs places à la catégorie 1 (CAMTEL, SODECOTON, SNH, SONARA) ; Vingt-un (21) ont stagné dans les catégories 2, 3, 4 et 5 ; six (6) ont régressé en dégradant la valeur des entreprises dont une (1) de la catégorie 1 à 2 (ALUCAM), trois (3) de la catégorie 3 à 4 (Camair-Co, CICAM, Crédit Foncier du Cameroun), deux (2) de la catégorie 4 à 5 (CNIC, PAMOL Plantations). Trois (3) présentent un statut différent. On peut aussi constater que la SONAMINES apparaît dans le classement de 2022 ; LANAVET qui apparaissait dans le classement de 2020 disparaît dans le classement de 2022 ; c’est le cas également de la Société Nationale de Transport et transition du Cameroun (CAMTAINER).
Une analyse des périodes : 2020 à 2022 et de 2022 à 2024. Il ressort que sur la période 2020-2024, six (6) entreprises publiques ont régressé. Cette contre-performance a coûté à l’État une somme de 4 593 200 032 de FCFA en termes de masse salariale de ces dirigeants. Il s’agit de : CAMAIR-CO, ALUCAM, CICAM, CFC, CNIC, PAMOL. Quatorze (14) entreprises publiques classées dans les catégories 4 et 5 ont stagné, ceci en n’enregistrant aucun mouvement vers des catégories supérieures. Il s’agit entre autres du LABOGENIE, SOPECAM, ANAFOR, CAMPOST, CPE, HYDRO-MEKEN, MAETUR, MAGZI, MIDEPECAM, MATGENIE, SODEPA, SRC, SEMRY, SNI. Ces entreprises ont maintenu leur classement avec une masse salariale cumulée de 7 377 571 380 de FCFA versée à leurs dirigeants pendant la période sous revue. Cinq (5) autres entreprises sont restées stables dans les catégories 2 et 3. Il s'agit ici d'entités publiques telles que la CDC, ADC, CAMWATER, le PAK, et la SCDP. Au cours de la période 2020-2024, la masse salariale versée aux dirigeants de ces entités de 2020 à 2024 s'élève à 4 213 485 708 de FCFA. Quatre (4) entreprises publiques ont présenté une performance appréciée en se maintenant à la catégorie 1. Il s’agit de : CAMTEL, SODECOTON, SNH, et SONARA. Elles ont mobilisé une masse salariale de 5 587 428 640 de FCFA pour leurs dirigeants pour la période 2020-2024. En revanche, trois (3) entreprises ont progressé, il s’agit de : SONATREL, EDC, PAD. La masse salariale versée aux dirigeants de ces entités est de 2 284 628 556 de FCFA sur la période 2020-2024.
Les Entreprises publiques non performantes coûtent chères à l'Etat
Ce classement de 2023 vise à récompenser la performance ou à la sanctionner à travers le reclassement des entités publiques tenant compte de la moyenne du chiffre d’affaires produit pendant trois (3) ans, allant de 2020 à 2022. Cette sanction se répercute dans la rémunération des 336 dirigeants (DG, DGA et PCA) de 112 entités publiques, soit au total 37 entreprises et 75 établissements publics sont concernés. Un total de 48 443 446 620 milliards de FCFA ont été mobilisés pour les dirigeants (PCA, DG et DGA), pour la période 2020-2024 dont environ 25 milliards de FCFA pour les entreprises publiques et 23 milliards de FCFA pour les établissements publics. En effet, l’État a dépensé inutilement en payant les salaires des dirigeants sociaux contre performants car ayant dégradé la valeur des entreprises (caractérisées par la baisse de la catégorie) et ceux qui sont peu performants avec les entreprises qui ont stagné. Seuls 10 052 377 2061 de FCFA représentant 20,75% de la rémunération globale des dirigeants sont versés aux dirigeants des entreprises et établissements publics performants au sens des lois de 2017. Car ayant soit augmenté le chiffre d’affaire de l’entreprise au point d’améliorer leur classement, soit consolidé leurs place à la première catégorie. Pour les établissements publics, il ressort que trois (3) ont également amélioré leurs performances. Il s’agit de AER et ARSEL en passant de la catégorie 5 à 4, et le fonds routier (FR) en passant de la catégorie 5 à 2 ; deux (2) ont renforcé leurs places à la catégorie 1 (CNPS et FEICOM) ; soixante-trois (63) ont stagné dans les catégories 2, 3, 4, et 5 ; six (6) ont régressé en dégradant ainsi la valeur de l’établissement, il s’agit de SODECAO, IRAD, CIRCB qui sont passés de la catégorie 4 à 5 ; le FNE et FODEC de la 3 à 4 ; CENAME de la 3 à 5.
Des deux périodes analysées (2020 à 2022 et de 2022 à 2024), il ressort que sur la période 2020-2024, six (6) entreprises publiques ont régressé. Cette contre-performance a coûté à l’État une somme de 2 073 277 136 de FCFA en termes de masse salariale de ces dirigeants. Il s’agit de : SODECAO, IRAD, CIRCB, FNE, FODEC, et CENAME. Cinquante-neuf (59) établissements publics classés dans les catégories 4 et 5 ont connu des stagnations défavorables. Ces entreprises ont maintenu leur classement avec une masse salariale cumulée de 16 520 877 384 de FCFA versée à leurs dirigeants pendant la période sous revue. Quatre (4) établissements ont connu des stagnations favorables dans les catégories 2 et 3. Il s'agit ici de CSPH, ART, CCAA, CRTV. Pr Viviane Ondoua Biwolé de souligner que : «Les dirigeants des entreprises publiques en stagnation et régression coûtent plus chers à l’État sans véritablement produire la valeur substantielle attendue ; soit un montant global de 16 184 257 120 de FCFA contre 2 284 628 556 de FCFA pour les dirigeants dont l’action permet de créer de la valeur». En revanche, deux (2) établissements publics ont présenté une performance appréciée en se maintenant à la catégorie 1. Il s’agit de : CNPS et du FEICOM. Elles ont mobilisé une masse salariale de 1 145 428 562 de FCFA pour leurs dirigeants pour la période 2020-2024. Toutefois, Pr Viviane Ondoua Biwolé relativise sur la performance des bons élèves en précisant par ailleurs que la plupart des entités publiques qui bénéficient d'un monopole total ou partiel sur leurs marchés respectifs, ce qui leur confère une position dominante ne sont donc pas forcément attribuables à une efficacité substantielle de leurs dirigeants.
Les établissements publics ne sont pas en reste
Cependant, elle conseille que dans le cas d’espèce, l’analyse devrait donc croiser les évaluations de la CTR (ancienne CTR et nouvelle SNI) et celle de la Chambre des Comptes, en plus de l’analyse des états financiers et des avis des Commissaires aux comptes des entreprises publiques. En revanche, les Établissements ayant progressé sont au nombre de trois (3), il s’agit de : AER, ARSEL, Fonds Routier (FR). La masse salariale versée aux dirigeants de ces entités est de 1 034 891 448 de FCFA sur la période 2020-2024. Pour Pr. Viviane Ondoua Biwolé, il ressort de ce qui précède que «Les dirigeants des établissements publics en stagnation et régression coûtent plus chers à l’État sans véritablement produire la valeur substantielle attendue ; soit un montant global de 20 850 583 080 de FCFA contre 1 034 891 448 de FCFA pour les dirigeants dont l’action permet de créer de la valeur ». Il est à préciser que le calcul des masses salariales ne tient pas en compte des Prime de fin de mandat. Mais de préciser que pour les salaires des PCA en situation d’illégalité au regard de l’expiration de leurs mandats, celle-ci sont considérés comme indus et contraire aux exigences de la réglementation en vigueur. Sont concernés quarante-trois (43) Présidents de Conseil d'Administration (PCA) qui continuent d'exercer leurs fonctions en violation de la législation en vigueur, les rendant ainsi illégitimes à leurs postes.
Partant de cette irrégularité, ces PCA ont perçu depuis juillet 2023 de manière indue une somme conséquente, s'élevant à un total de 634 millions de FCFA. Soit 325 millions de FCFA pour les entreprises publiques et 309 millions de FCFA pour les établissements publics. Pr Viviane Ondoua Biwolé d’indiquer que : «Cette situation met en lumière des dysfonctionnements majeurs en matière de gouvernance et d'application des réformes initiées par les autorités». Et d’ajouter que : «Cette attitude qui consiste à rémunérer la contreperformance est contraire aux exigences de bonne gouvernance et de République exemplaire dont le Cameroun se prévaut ». La masse salariale versée aux dirigeants de ces entités de 2020 à 2024 s'élève à 2 256 428 560 de FCFA. C’est dire que ces dirigeants ont occasionné à l’État une perte globale d’environ 195 milliards de FCFA, soit environ 175 milliards de FCFA pour les entreprises publiques et 20 milliards de FCFA pour les établissements publics la période de 2020 à 2024. En somme, l’objectif de l’étude étant de démontrer que l’État mobilise assez de moyens financiers pour la rémunération des dirigeants dont les performances sont en deçà des attentes. La méthodologie a consisté à identifier les rémunérations des dirigeants des entreprises publiques et des établissements publics. Il a aussi semblé important de rappeler les rémunérations indûment perçues par les PCA considérés comme illégaux au regard de l’expiration de leurs mandats.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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