PORT DE DOUALA-BONABERI
Des importations effectuées depuis le mois de février 2023 par la société CONGELCAM ont créé une situation alarmante et très critique de blocage du Terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri pour cause d’une immobilisation largement au-dessus des délais requis des conteneurs frigorifiques de poissons. En revanche, cette situation fait craindre des conséquences économiques, environnementales et sanitaires importantes. Avec soit l’écoulement sur le marché des produits impropres à la consommation, soit une perte financières de plus de 25 milliards FCFA, et des pertes fiscales de plusieurs centaines de millions FCFA du fait de voir la quasi-totalité de cette cargaison de 665 conteneurs se transformer en avaries.
La société CONGELCAM a effectué depuis février 2023 plusieurs vagues d’importations de conteneurs de poissons surgelés. Selon la Régie du terminal à Conteneurs (RTC) du Port Autonome de Douala (PAD), soit près de 3000 conteneurs frigorifiques des produits halieutiques, représentant 80% des quantités importées annuellement depuis les deux dernières années : « Très au-dessus de sa capacité d’accueil et d’écoulement ». Ce que contestent les dirigeants de CONGELCAM qui déclarent avoir dans ses entrepôts des capacités d’accueil nécessaires : « Pour preuve, si la polémique porte sur 665 conteneurs sur les 3000 conteneurs importés, le ratio nous conforte dans notre capacité d’accueil et d’écoulement au regard de la gestion du gap de plus de 3300 autres conteneurs», lance goguenard Me Levi Deffo. Sur une plainte de la RTC du 20 février, l’Autorité Portuaire Nationale (APN) va interpeller CONGELCAM sur la saturation du parc des conteneurs frigorifiques du Terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri. « Cette situation a pour conséquence, l’incapacité à réceptionner les importations conteneurisées des produits pharmaceutiques, oléagineux et laitiers nécessitant une alimentation électrique pour le maintien de leur chaîne de froid ». Face à la sourde oreille de la société CONGELCAM, RTC dit avoir adressé quatre mises en demeure qui sont restés vaines. La dernière date du 2 juin dans laquelle il est indiqué que : « La société CONGELCAM SA est averti qu’elle se trouve en infraction…pour motif suivant : Abandon de 625 conteneurs au terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri parce qu’accusant des temps de séjour de 60 à 120 jours justifiant l’application des articles 43, 44 et 45 du Décret N°85/1279 portant Règlement de la police d’exploitation dans ces domaines portuaires ».
Le Terminal à conteneurs obstrué
En réplique, la société CONGELCAM accuse la RTC de s’être dérobée de ses obligations en prenant sur elles de faire débarquer des conteneurs des produits halieutiques qu’elle ne branche pas par la suite, accélérant ainsi leur détérioration. C’est ainsi qu’elle va proposer à, la RTC la mise à leur disposition des générateurs d’énergie de 500 KVA chacun en vue de palier au déficit du dispositif de conservation en attendant d’obtenir la livraison de la marchandise par le transporteur. Face à la presse le 5 juin 2023 à Douala, le DGA de CONGELCAM, Ismaël Tchoumtchoua assisté de M. Emmanuel Djoumessi, DG de CITMA (le transitaire), leurs conseils Me Levis Deffo et Me Fostine Fotso (députée) précise que : « Les marchandises entreposées dans les locaux du Port Autonome de Douala restent sous la garde et la responsabilité du transporteur jusqu’à ce qu’il livre au destinataire, suivant les conventions internationales et les lois en vigueur ». Or, la RTC soutient que face au dilatoire de CONGELCAM qui a proposé des branchements alternés, qui ne se justifiait pas parce qu’elle a investi depuis des années dans l’acquisition et la location des groupes électriques afin d’accroître sa capacité de branchement électrique de 210 à 750 prises. Suffisant pour maintenir les 665 conteneurs frigorifiques sous tensions. Accusant vertement CONGELCAM d’avoir, malgré les notifications d'anticipation reçues des transporteurs maritimes avant l’arrivée de ses cargaisons, elle a décidé à faire du Terminal à conteneurs son lieu de stockage, s’arrogeant toute la capacité de branchement du Terminal, au détriment des autres produits frigorifiques à l’instar des produits pharmaceutique, laitiers, et les autres importateurs de poissons.
Par ailleurs, la RTC fait remarquer que l’importateur CONGELCAM s’est contenté de faire des enlèvements à un rythme très inférieur à son engagement pris lors de la concertation élargie du 12 avril 2023. Laissant ainsi séjourner longuement ses poissons au Terminal à conteneurs avec une moyenne à date de plus de 70 jours par conteneur dont plusieurs sont à plus de 120 jours. Conséquence, sur les 650 conteneurs frigorifiques restant au 29 mai 2023, une soixantaine présente déjà des signes importants de dégradation des produits halieutiques qu’ils contiennent. Pour sa part, la société CONGELCAM argue qu’elle applique ses engagements en faisant désormais des débarquements de ses conteneurs sous palan, sans quoi, on aurait déjà enregistré des pénuries. Et précise qu’avant embarquement, elle obtient avant embarquement toutes les certifications vétérinaires et sanitaires attestant de la bonne qualité des produits commandés aussi bien auprès des organismes compétents du pays d’embarquement et des fournisseurs que des organismes compétents au Cameroun, à l’instar de l’ANOR. A contrario, elle justifie la timidité des enlèvements des conteneurs par le fait que lors des enlèvements effectués jusqu’ici notamment de 10, 27 et 15 conteneurs, il s’est trouvé que respectivement 04, 08 et 05 conteneurs de poissons étaient déjà avariés. «Nous avons stoppé la sortie des conteneurs car nous avons constaté que plusieurs étaient avariés. Nous avons pris la charge et la responsabilité de les détruire. Pensant avoir affaire à un cas isolé de marchandises endommagés, Depuis lors, des cas de conteneurs avariés se sont multipliés, aiguisant notre détermination à savoir les raisons de ce dysfonctionnement», affirme Tchoumtchoua, le DGA de CONGELCAM.
CONGELCAM se dédouane
Ce qui a obligé CONGELCAM de solliciter des interventions auprès des administrations compétentes (Douanes, MINEPIA, Phytosanitaire et Huissiers de justice) pour exiger des inspections sanitaires et la mise à disposition des courbes de températures avant tout enlèvement. Ce qui permettrait d’établir les causes et les responsabilités en cas d’avaries constatés. «Notre souci majeur est la protection de nos consommations qui ont droit aux produits de bonne qualité », déclare Me Fostine Fotso. Curieusement, toutes ses démarches sont restées vaines. La RTC et le Transporteur n’ayant pas donné une suite favorable. « Laissant planer une suspicion de sabotage », soutiennent les dirigeants et conseils de CONGELCAM. Les deux parties sont arc-boutées sur leurs positions. La société CONGELECAM a engagé une action en référé d’heure à heure introduite auprès du juge du Tribunal de Première Instance (TPI) de Douala-Bonanjo pour contraindre RTC. Le 5 juin le juge l’a déclaré irrecevable. Il reste l’arbitrage du Ministère du Commerce que les deux parties ont saisi en date du 15 mai. La réunion tripartie est convoquée pour le 7 juin 2023. Tous les regards sont rivés sur cette réunion qui pourrait éviter des procédures judiciaires dans le fond, car sur le plan financier, CONGELCAM est en train de perdre une marchandise d’une valeur de plus de 25 milliards FCFA sans compter les pénalités de surestarie qui pourront aller chercher dans les dizaines de millions FCFA. Non sans oublier les conséquences que cette situation pourrait entraîner sur le plan social avec une potentielle pénurie de poissons sur le marché, le plan environnemental avec une menace de pollution dont RTC a déjà donné l’alerte, le plan sanitaire avec un écoulement sur le marché des poissons avariés si toutes les inspections n’étaient pas faites, et sur le plan économiques avec un manque à gagner pour les deux parties. Chaud devant !
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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