REMBOURSEMENT DE LA DETTE PUBLIQUE
Dans un contexte marqué par la plus forte hausse des taux d’intérêt mondiaux depuis quatre décennies, les pays en développement ont dépensé un montant record de 443,5 milliards de dollars (environ 266 100 milliards de FCFA) pour assurer le service de leur dette publique extérieure et des dettes garanties par l’État en 2022. Une situation inquiétante puisque la hausse des coûts d’emprunt fait courir un risque de crise de la dette dans les pays les plus pauvres.
Selon la dernière édition du rapport sur la dette internationale établi par la Banque Mondiale (BM) intitulé International Debt Report, de décembre 2023, beaucoup de ces pays traînent un fardeau supplémentaire : l’accumulation du capital, des intérêts et des frais pour avoir bénéficié du privilège de la suspension du service de la dette accordé dans le cadre de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) du G20. Dans un contexte marqué par la plus forte hausse des taux d’intérêt mondiaux depuis quatre décennies, les pays en développement ont dépensé un montant record de 443,5 milliards de dollars (environ 266 100 milliards de FCFA) pour assurer le service de leur dette publique extérieure et des dettes garanties par l’État en 2022. Dans ce contexte où les financements des créanciers privés tarissent, la Banque Mondiale et d’autres banques multilatérales de développement sont intervenues pour aider à combler le déficit. C’est ainsi qu’en 2022, les créanciers multilatéraux ont fourni 115 milliards de dollars (environ 69 000 milliards de FCFA) de nouveaux financements à faible coût aux pays en développement, dont près de la moitié provenait de la Banque Mondiale. Celle-ci, par le biais de l’IDA, a fourni à ces pays 16,9 milliards de dollars (environ 10 140 milliards de FCFA) de nouveaux financements de plus qu’elle n’en a reçu au titre des remboursements de principal, soit près de trois fois le chiffre comparable enregistré il y a dix ans. En outre, la Banque mondiale a décaissé 6,1 milliards de dollars (environ 3 660 milliards de FCFA) de dons en faveur de ces pays, soit trois fois le montant accordé en 2012.
Le Cameroun s’est aussi servi de l’ISSD du G20
Le Cameroun n’était pas en reste. Selon le Club de Paris, le Cameroun a bénéficié, entre 2020 et 2021, de 218 milliards de FCFA de report sur le service de la dette dans le cadre de l’ISSD. En effet, l’encours de la dette du secteur public du Cameroun au 30 septembre 2023 s’élève à environ 12 510 milliards de FCFA, selon les informations de la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA), organisme d’État en charge de la gestion de la dette publique. Cet encours qui représentait 43,9% du PIB était en hausse de 2,9% en glissement trimestriel et de 1,4% par rapport au mois précédent d’après la même source. En fin mars 2024, l’encours de la dette publique du Cameroun a atteint 12 714 milliards de FCFA, en hausse de 1,1% par rapport à la même période en 2023. Cette fois, elle représente désormais 42,9% du PIB, contre un seuil de tolérance de 70% admis dans les critères de surveillance multilatérale de la CEMAC. À en croire la CAA, l’endettement du Cameroun est porté à 93,3% par l’administration centrale, 6,6% par les entreprises et établissements publics, et 0,1% par les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). Tout en soulignant que les emprunts contractés par le Cameroun ont principalement financé des projets structurants. Malheureusement, la population camerounaise a du mal à palper la concrétisation de ses projets soit parce qu’ils ne sont pas allés plus loin que leur annonce, soit parce que leur livraison ne respecte pas les délais de réalisations prescrites.
Dans la Note Conjoncturelle du 30 octobre 2023 que publie par la Caisse autonome d’amortissement, on apprend que le Cameroun avait décaissé 98,1 milliards de FCFA en septembre 2023 pour éponger sa dette publique, hors restes à payer et remboursement des Bons du Trésor Assimilables (BTA). Soit 70,5 milliards de FCFA ont été consacrés à la dette extérieure et 27,7 milliards de FCFA à la dette intérieure, soit un ratio de 73,6% à 26,4%. Pour l’économiste en Chef et Vice-président Senior du Groupe de la Banque Mondiale, Indermit Gill : «Des niveaux d’endettement record et des taux d’intérêt élevés ont précipité de nombreux pays vers la crise». Et de poursuivre : «Cette situation appelle une action rapide et coordonnée de la part des gouvernements débiteurs, des créanciers privés et publics et des institutions financières multilatérales, plus de transparence, de meilleurs outils pour assurer la viabilité de la dette et des modalités de restructuration plus rapides. Faute de quoi, ce sera une autre décennie perdue pour ces pays». Le rapport constatait que les paiements d’intérêts absorbent une part de plus en plus importante des exportations des pays à faible revenu. En outre, plus d’un tiers de leur dette extérieure est soumise à des taux d’intérêt variables qui pourraient augmenter soudainement. Tout en précisant qu’au cours de la décennie écoulée, la dette des pays admis à emprunter à l’IDA n’a cessé de s’alourdir à un rythme supérieur à celui de leur croissance économique, un signal d’alerte pour leurs perspectives pour les années à venir. En 2022, l’encours total de la dette extérieure des pays admis à emprunter à l’IDA a atteint un montant record de 1 100 milliards de dollars (environ 6 600 milliards de FCFA), soit plus du double du niveau de 2012.
La dette une nécessité à faire bon usage
Entre 2012 et 2022, ces pays ont vu leur dette extérieure augmenter de 134 %, un taux supérieur à celui de l’augmentation de leur revenu national brut (RNB), qui était de 53 %. Le statisticien en chef de la Banque mondiale et Directeur du Groupe de Gestion des Données sur le Développement de l’Institution explique : «Pour améliorer la gestion et la viabilité de la dette, il est essentiel de connaître les dettes et les créanciers d’un pays». Et de poursuivre : «La première chose à faire pour éviter une crise, c’est d’avoir une idée claire de l’enjeu. Et lorsque des problèmes apparaissent, des données claires peuvent orienter les efforts de restructuration de la dette pour remettre un pays sur la voie de la stabilité économique et de la croissance. La transparence de la dette est la clé pour des emprunts publics soutenables et des pratiques de prêt responsables et fondées sur des règles, qui sont absolument déterminants pour mettre fin à la pauvreté sur une planète vivable.». En 2022, les 75 pays admis à emprunter auprès de l’Association internationale de développement (IDA), institution de la Banque mondiale qui soutient les pays les plus pauvres, ont payé un montant record de 88,9 milliards de dollars au titre des frais de service de la dette. Au cours de la dernière décennie, les paiements d’intérêts par ces pays ont quadruplé, atteignant un niveau record de 23,6 milliards de dollars en 2022. Selon le rapport, le coût global du service de la dette des 24 pays les plus pauvres devrait s’envoler en 2023 et 2024, avec une augmentation qui pourrait atteindre jusqu’à 39 %. Au cours de la dernière décennie, les paiements d’intérêts par ces pays ont quadruplé, atteignant un niveau record de 23,6 milliards de dollars (environ 14 160 milliards de FCFA) en 2022. Le coût global du service de la dette des 24 pays les plus pauvres devrait s’envoler en 2023 et 2024, avec une augmentation qui pourrait atteindre jusqu’à 39 %.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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