REGARD CROISE AVEC MME ALICE MAGUEDJO,
Présidente du Syndicat des Commerçants Détaillants du Wouri (SYCODEW) nous a donné son regard d'opératrice économique, mais aussi de la femme dont le panier de la ménagère s'est considérablement amaigri
Cette cérémonie vous a-t-elle permis de trouver des réponses aux interrogations que la loi de finances 2023 a suscité en vous et à votre secteur d’activités ?
Je pense que les artisans de cette loi de finances de l’exercice 2023 ont fait leur part et j’apprécie les efforts consentis pour aller à la rencontre des Camerounais afin d’éclairer notre lanterne. C’est la première fois qu’on nous invite à une telle cérémonie pour faciliter notre compréhension d’une loi de finances à travers une cérémonie de lancement du budget. Toutefois, je suis restée sur ma faim, parce que l’économie camerounaise étant marquée par une inflation galopante, on ne peut pas faire sans regarder au niveau des revenus du bas peuple. C’est nous qui gérons le bas de l’échelle de la population camerounaise et la pyramide très mince au sommet. C’est dire que ceux qui sont au sommet peuvent ne pas comprendre la réalité de ce qui se passe en bas. Que le paquet du sucre soit aujourd’hui à 1000 FCFA c’est intenable pour un pays où pendant 10 ou 15 ans aucun salaire n’a été augmenté. Le Ministre a dit qu’ils sont en train de réfléchir comment ils vont augmenter les revenus, mais je crois que c’est par là qu’il aurait dû commencer. Puisque si on dit import-substitution et production, il va falloir dire consommation. Si on crée des richesses et que les Camerounais n’aient pas le pouvoir d’achat pour pouvoir acheter ses biens à quoi cela aurait servi tous ses efforts. Par ailleurs, je viens d’acheter à ma pauvre mère au village un sac d’engrais à 45 000 FCFA, pourtant les années passées je l’achetais entre 18 000 FCFA et 20 000 FCFA. Lorsqu’on parle de l’agro-pastoral j’ai l’impression qu’on parle de ceux qui font dans l’agro-industrie. Le peuple fait comment pour s’en sortir au quotidien ? Moi j’aurai souhaité que dans ce budget on prenne en considération ce que subit le bas peuple. C’est nous le baromètre social. C’est nous qui sont au marché, qui mesurons le courroux des gens qui ne peuvent plus s’alimenter.
Est-ce à dire que toutes les mesures d’accompagnement prise par le gouvernement pour amortir le choc et qui vous ont été présentées ne vous ont pas convaincu ?
Il y a une maxime populaire qui dit que les promesses des hommes politiques n’engagent que ceux qui y croient. Le Ministre des Finances a dit qu’il y a une réflexion en cours depuis l’année dernière pour voir les mesures d’accompagnement qu’il faudra apporter au peuple qui ploie sous cette vie chère. Les experts du Ministère des Finances se sont amusés à faire des comparaisons avec les autres pays africains, or dans ces pays les Chefs d’Etat ont réajusté le pouvoir d’achat de leur peuple et n’ont pas attendu l’inflation actuelle qui liée à la guerre Russo-Ukrainienne, mais ont anticipé depuis l’avènement de la Covid-19. Ce n’est pas le cas au Cameroun. Alors, ce n’est pas lorsque nous serions tous morts que le gouvernement va prendre les mesures adéquates pour nous permettre d’amortir le choc induit de toutes ses crises aussi bien sécuritaire que sanitaire. Il est urgent que le gouvernement améliore considérablement le pouvoir d’achat des populations, car nous sommes dans situation asphyxie permanente. Les commerçants détaillants sont heureux que dans le message de fin d’année du Chef de l’Etat à la nation le 31 décembre 2022, il a reconnu que l’inflation qui est sans cesse croissance n’est pas le fait des commerçants camerounais qu’on pourrait qualifier et traiter à tort de véreux. Il avait reconnu que nous subissons de plein fouet la conséquence des changements venant de l’extérieur. Alors si c’est le cas, il ne reste plus que des mesures d’accompagnement efficientes et efficaces. Et qu’on nous dise que c’est encore en train d’être examinées, je ne peux que souhaiter que cela aille vite et qu’un jour on retrouve le sourire sur la face des mamans qui s’échinent tous les jours pour nourrir leur progéniture que nous allons léguer à ce pays.
Toutefois vous avez évoqué lors des échanges les couacs de la dématérialisation des procédures. Qu’en est-t-il ?
La dématérialisation des procédures est importante parce que j’ai entendu des comparaisons avec d’autres pays ce qui m’a écœuré. On nous a dit que l’établissement de la CNI est informatisé mais depuis cette annonce il est difficile de se faire établir une Carte Nationale d’Identité et d’entrer en possession. Je croyais que l’informatique est là pour faciliter les procédures. Or même aux impôts, depuis quelques semaines pour immatriculer les nouvelles personnes, le système est bloqué et on nous envoie balader. Aujourd’hui, on nous vante la dématérialisation à la camerounaise, mais nous sommes coincés en permanence. Le système informatique ne permet pas qu’on paye à temps. A cet effet, le Directeur Général des Impôts est venu vers moi pour me dire qu’il a pris note et qu’il travaille à mettre en place un nouveau système plus sophistiqué qui pourra entrer en vigueur en mars pour rendre l’immatriculation plus rapide. Croissons les doigts pour que cela ne soit pas de vains mots.
Propos recueillis par
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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