SOCIETE NATIONALE DES HYDROCARBURES
Après l’échec de la tenue de la session du 17 juillet 2024, le Ministre d’Etat/Secrétaire Général de la Présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, ci-devant Président du Conseil d’Administration de Société Nationale des Hydrocarbures a, le même jour, à nouveau convoqué une autre session du Conseil d’Administration, le 24 juillet dans ses services. Il se susurre une volonté de débarquer l’actuel patron Adolphe Moudiki, 82 ans, qui est un affidé de Paul Biya dont il dit être son seul interlocuteur depuis 31 ans qu’il dirige cette stratégique institution.
Le 17 juillet 2024, après l’impossibilité de tenir la session extraordinaire du Conseil d’Administration de la SNH à l’immeuble siège à Yaoundé, pour des raisons visiblement conflictuelles au sommet du top management, le Ministre d’Etat/Secrétaire Général de la République, (MINETAT/SGPR) Ferdinand Ngoh Ngoh en sa qualité de Président du Conseil d’Administration (PCA) de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) a signé ce même jour une nouvelle convocation pour la tenue d’une session extraordinaire le 24 juillet 2024, cette fois dans ses services à la Présidence de la République. «Monsieur l’Administrateur, J’ai l’honneur de faire connaître que la session extraordinaire du Conseil d’Administration de la SNH, initialement prévue le mercredi 17 juillet 2024, est reprogrammée le mercredi 24 juillet 2024 à 14h, dans la salle 8324 du Secrétariat Général de la Présidence de la République, suivant le même ordre du jour », peut-on lire sur une copie de la convocation de l’Administrateur Jules Mana Nschwangele qui est partagé sur les réseaux sociaux. Cette convocation du PCA de la SNH confirme les rumeurs selon lesquelles la session extraordinaire du 17 juillet 2024 ne se serait pas tenue en raison de l’incapacité des membres de cette instance à accéder aux portes de l’entreprise, dont la fermeture aurait été ordonnée par l’Administrateur Directeur Général (ADG) de la SNH, Adolphe Moudiki.
La parte visible de l’iceberg
Dans ses pénates, ce dernier ne serait pas d’accord de l’ordre du jour qui porte sur son remplacement. Arguant que son ami intime, seule et unique personne à qui il rend compte de la gestion de la SNH, le Président de la République, Paul Biya ne lui aurait pas préalablement informé de cette importante décision. Même s’il est établi que pour des raisons de santé, Adolphe Moudiki a signé le 6 mars 2024, une note de service déléguant certains de ses responsabilités régaliennes à son Conseiller N°2, Igor Emmanuel Soya Bissaya. Une décision frisant une passation du pouvoir en douce. Même si des indiscrétions font état de ce qu’il en est rien puisqu’il garde toujours une main ferme sur cette puissante entreprise d’Etat chargé de la vente du gaz liquéfié et du pétrole brut produit par le Cameroun à travers son épouse Nathalie Moudiki avec la bénédiction de la première dame du Cameroun, Chantal Biya qui n’est autre que sa copine. Certaines langues fourchues arguent qu’elle veille au grain sur ce que l’on qualifie de patrimoine familial. Ce bras de fer remet à nouveau en doute la véracité des très hautes instructions dont se prévaut le PCA, Ferdinand Ngoh Ngoh pour convoquer cette session extraordinaire et avec cet unique point inscrit à l’ordre du jour. La Direction générale de la SNH sera-t-elle aussi délocalisée au Secrétariat Général de la Présidence de la République après ce Conseil d'Administration ? Ce d'autant plus que la passation de service reste problématique.
C’est dire que la délocalisation des prochaines assises pour le palais de l’unité témoigne de la bataille que ces deux barons du système au pouvoir se livrent depuis près de deux ans. D’abord à travers l’affaire Savannah Energy et par la suite dans l’affaire Glencore qui vient de connaitre un dernier rebondissement avec l’autorisation donné par le Chef de l’Etat Paul Biya de saisir le Serious Fraud Office (SFO), le tribunal britannique spécialisé pour faire toute la lumière sur cette affaire. Notamment en vue de faire bénéficier au Cameroun des importantes indemnités financières comme plusieurs pays concernés qui s’étaient constitués partie civile et de dévoiler les noms des hauts fonctionnaires camerounais que les responsables de Glencore ont avoué avoir corrompu devant les juridictions britanniques spécialisées dans la lutte contre les fraudes et le blanchiment d’argent. En tout état de cause, Glencore a admis qu’entre 2006 et 2014, elle avait, par l'intermédiaire de l’une de ses filiales, utilisé un montant total de 21 millions de dollars (environ 14 000 milliards de FCFA) pour, au moins en partie, payer des hauts fonctionnaires camerounais dans le cadre des transactions pétrolières avec des entités publiques ou parapubliques, en l’instar de la SNH et la SONARA. Tout en admettant avoir réalisé un gain de 67 millions de dollars (environ 43 818 milliards de FCFA) sur ces transactions illicites.
La pomme de discorde
A la suite de la condamnation judiciaire de Glencore en novembre 2022, la SNH avait dans un communiqué « porté à la connaissance de l’opinion publique nationale et internationale que la SNH n’est ni de près, ni de loin, associée à des telles pratiques, strictement interdites par son Règlement intérieur ». Et en juin 2023, après que l’affaire Savannah Energy ait capotée, Adolphe Moudiki a saisi le Président de la République afin de solliciter l’ouverture d’une enquête sur l’implication ou non des dirigeants de la SNH dans l’affaire Glencore. Ce serait cette démarche de l’ADG de la SNH, qui aurait conduit à la procédure judiciaire que le Chef de l’Etat vient d’instruire. Une demande perçue comme une volonté de livrer le PCA, Ferdinand Ngoh Ngoh sur qui des soupçons de l’opinion publique pèseraient le plus comme l’un des principaux interlocuteurs des intermédiaires de Glencore. Des sources au sommet de l’Etat et à la SNH y voient dans la détermination du PCA de la SNH d’user et d’abuser de sa position de Ministre d’Etat/Secrétaire Général de la Présidence de la République afin d’accélérer le remplacement de l’ADG de la SNH non seulement pour prendre sa revanche, mais aussi une volonté de mettre un de ses affidés, en la personne de Joseph Dipepa, militant du RDPC et originaire de la région du Littoral, à la tête de la SNH comme il y a quelques mois à la SONARA. Une des sociétés citées. Ceci pour dissimuler les preuves éventuelles.
Rappelons que c’est dans le cadre de l’affaire Savannah Energy que la brouille nait entre le plus proche collaborateur du Chef de l’Etat et l’ami intime du Chef de l’Etat. Il s’agissait d’une société de trading avec laquelle la SNH avait signé, le 19 avril 2023, un accord pour le rachat de 10% des actifs que revendique cette entreprise dans la Cameroon Oil Transportation Company (COTCO), société chargée de gérer les plus de 90% du pipeline Tchad-Cameroun construits sur le territoire camerounais. L’accord avait alors déclenché une crise diplomatique entre le Cameroun et le Tchad, qui avait même dû rappeler son Ambassadeur au Cameroun. Le Tchad contestait à Savannah Energy, société dans laquelle les enfants du couple présidentiel Paul et Chantal Biya étaient cités comme dirigeants, de détenir les actifs revendiqués aussi bien dans COTCO, au Cameroun, que dans Tchad Oil Transportation Company (TOTCO), la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT) après leur rachat à l’Américain Exxon Mobil. Envoyé en sapeur-pompier à Ndjamena par le Chef de l’Etat Paul Biya, le PCA de la SNH, en sa qualité de MINETAT/SGPR, avait annoncé la fin de la crise au sortir d’un entretien avec le Chef de l’État tchadien, le 26 avril 2023. Ferdinand Ngoh Ngoh avait ensuite présidé un Conseil d’administration de la SNH le 13 juin 2023 à Yaoundé, au cours duquel il avait fait l’annonce. Ce que n’avait pas apprécié Adolphe Moudiki
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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