FUITE DES COMPETENCES
Lors de la Rentrée économique du GECAM, le 18 septembre 2024, son président, Célestin Tawamba a relevé la problématique de l’émigration de la main d’œuvre qualifiée qui est aussi cœur du cinquième rapport annuel sur l’état de la compétitivité de l’économie camerounaise de 2023 qui a été publié en août 2024 sous la conduite Président du Secrétariat Technique du Comité de compétitivité, Protais Ayangma Amang, par ailleurs, vice-président dudit patronat. Les deux corroborent sur le fait que c’est un facteur très handicapant pour l’économie nationale en générale et en particulier pour la performance des entreprises aussi bien du secteur public que du secteur privé.
La production, l’attrait et la rétention des talents étant considéré comme un levier indispensable de la compétitivité de l’économie et des entreprises, le président du Groupement des Entreprises du Cameroun (GECAM), Célestin Tawamba a, lors de l’échange convivial qu’il y a eu le 18 septembre 2024 au siège dudit patronat avec la presse, dans le cadre de sa rentrée économique, un rendez-vous annuel qu’il envisage faire tenir tous les mois de septembre, «pour poser un regard critique et constructif sur les évolutions et les enjeux de l'économie» a mis un accent sur la migration massive des compétences. Une problématique qui est aussi au cœur du cinquième rapport annuel sur l’état de la compétitivité de l’économie camerounaise de 2023, avec un accent particulier sur la rétention et l’attractivité des talents, un enjeu crucial pour la compétitivité du pays. Rapport publié en août 2024 et rédigé sous la conduite du vice-président du GECAM, Protais Ayangma Amang, es qualité, Président du Secrétariat Permanent du Comité de Compétitivité qui est placé sous la tutelle du Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT). Tous les deux, partant des périodicités distinctes ont fourni une évaluation de la situation, tout en proposant des recommandations concrètes pour stimuler la compétitivité des talents. Ils ont convergé sur le fait que le Cameroun, à l’instar de nombreux pays en développement, est confronté au phénomène d’émigration de sa main d’œuvre qualifiée.
Les migrations massives de la main d’œuvre qualifiée
Alors que le GECAM va porter son regard sur la fuite des compétences vers le Canada et dans une période allant de janvier à avril 2024, où il a révélé que : «Le Cameroun est le deuxième pays au monde pourvoyeurs de main d'œuvre au Canada, juste derrière la France», avec près 6 000 Camerounais qui y ont immigré en quatre mois, portant à plusieurs centaines de milliers de personnes, le nombre de camerounais ayant choisi de s'expatrier vers ce pays et bien d'autres depuis près de deux décennies déjà. Pour mieux illustrer le problème, le rapport 2023 du Comité de Compétitivité va s’appuyer sur le rapport publié par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en 2022, dans lequel il ressortait que : «Le Cameroun a perdu environ 23 000 professionnels qualifiés en 2020, soit 2,2% de sa population active qualifiée». Preuve s’il en était encore besoin que ce phénomène, qui se caractérise par le départ des talents les plus qualifiés vers les pays développés, prive l’économie camerounaise de précieuses ressources humaines. Cette migration massive de la population active en générale et des travailleurs qualifiés en particulier préoccupe au sérieusement le Patronat camerounais. «Le départ de nombreux travailleurs qualifiés employés au sein des Entreprises, qui ont en général financé leur formation continue, entraîne une perte de compétences précieuses et met en péril la compétitivité de nos Entreprises», a déclaré Célestin Tawamba. Soulignant que la cause est liée à l’exacerbation des nombreuses crises qui sévissent au Cameroun depuis plusieurs années, est liée à une crainte sur l’instabilité post-électoral dans laquelle pourrait plonger ce pays en 2025 avec l’élection présidentielle et l’insécurité qui sévit dans les régions anglophones (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et des régions septentrionales (Adamoua, Garoua et Extrême-Nord).
Une situation qui a des répercussions significatives au plan national sur l'économie et le marché du travail. Il va s’en dire que les talents contribuent à l’amélioration de la productivité, de l’innovation et de la performance financière des entreprises, concourant à la création et au renforcement des avantages concurrentiels desdites entreprises sur le marché. Le secteur public est autant affecté que le secteur privé par ces départs massifs effectués en majorité à l'insu des employeurs. Les implications de l’émigration des compétences pour l’économie camerounaise sont nombreuses. De manière directe, ce phénomène constitue une perte en ressources humaines en ce qu’elle cause un vide parfois difficile à combler et obligent ces entreprises à supporter les dettes contractées dans les banques par les travailleurs démissionnaires. Conséquence, la récurrence du phénomène compromet l'accès au crédit d'autres employés de la même entreprise. Sous un autre angle, le rapport du Comité de Compétitivité indique que l’investissement en termes d’éducation et de formation représente un large coût pour les pays pourvoyeurs de travailleurs qualifiés. «En effet, si un individu doté d’un niveau d’éducation émigre, il aura bénéficié des dépenses publiques ayant servi à financer son éducation et sans contrepartie. Ce phénomène d’exode des compétences constitue une perte pour le pays d’origine qui consacre un investissement considérable pour l’éducation».
Pourquoi le Cameroun a du mal à retenir ces derniers
Le même rapport d’ajouter : «L’émigration de personnels qualifiés constitue également un manque économique pour le Cameroun. L’impôt sur le revenu et sur les investissements en capital susceptible d’accroître le PIB se trouve réduit par le départ progressif des compétences. En emportant avec lui son capital humain, l’émigrant qualifié retranche du revenu national non seulement son propre revenu, mais également la valeur des externalités qui lui sont liées». Raison pour laquelle, la rétention et l’attractivité des talents sont un enjeu majeur pour la compétitivité de l’économie camerounaise. La capacité du Cameroun à développer, retenir et attirer les meilleurs talents est un facteur clé de sa compétitivité dans un environnement économique mondial fortement concurrentiel. Réaliser ce défi, au travers de politiques et stratégies proactives, permettrait d’accroître le stock de capital humain et de préserver l’expertise ainsi que le savoir-faire nécessaires à la compétitivité durable de l’économie. A cet effet, le GECAM dit avoir pris toute la mesure de la situation, en saisissant par courrier le Ministre des Relations Extérieures (MINREX) pour solliciter une réunion de concertation afin d'explorer les causes sous-jacentes de ce phénomène et de discuter des mesures potentielles pour atténuer ses effets. «Cette rencontre pourrait nous permettre de collaborer étroitement pour élaborer des stratégies visant à mieux répondre aux défis liés à cette problématique» a affirmé Célestin Tawamba.
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Surtout que dans un monde globalisé, le capital humain constitue un facteur-clé pour la compétitivité territoriale. Les pays sont en concurrence non seulement pour développer le capital humain, mais aussi pour l’attirer et le retenir sur le territoire national. La compétitivité des talents au sens l’indice mondial de compétitivité des talents (Global Talent Competitiveness Index ou GTCI), renvoie à un ensemble de politiques et pratiques qui permettent à un pays d’attirer, de développer et d’autonomiser le capital humain qui contribue à la productivité et la prospérité d’un pays. En 2023, le Cameroun enregistre un score de 24,5 sur 100 dans l’Indice GTCI et occupe le 118e rang sur 134 pays classés. Par rapport à 2022, le score s’améliore de 4,7 points et le rang d’une position. En Afrique, le Cameroun occupe le 16e rang sur 31 pays évalués. Le pays performe le mieux en matière de compétences de niveau élevé (102e rang) et de capacité de développement des compétences (107e rang). Le classement est le plus médiocre en matière de capacité de rétention des talents (125e rang). Les piliers qui méritent une attention particulière afin d’améliorer le positionnement global du Cameroun dans le GTCI sont ceux relatifs aux facilitateurs (122e), à la capacité d’attraction (120e) et à la capacité de rétention (120e). Ces résultats montrent que si le pays fait des efforts dans le sens du développement des talents, il a du mal à retenir ces derniers.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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