APPROVISIONNEMENT EN EAU POTABLE
Annoncé en grande pompe comme le projet qui viendra mettre fin au cauchemar des populations de la ville de la capitale en matière d’approvisionnement en eau potable, la cérémonie de la mise en œuvre du Projet d’Approvisionnement en Eau Potable de la ville de Yaoundé et ses environs à partir du fleuve Sanaga qui a eu lieu le 20 août à Batchenga a révélé le bluff de la communication.
«Au nom de Monsieur le Président de la République, je déclare solennellement l’entrée en service des installations du Projet d’Alimentation en Eau Potable de la Ville de Yaoundé et ses environs à partir du fleuve Sanaga», a déclaré Ministre de l’Eau et de l’Energie (MINEE), Gaston Eloundou Essomba, représentant personnel du Chef de l’Etat le 20 août 2024 à Batchenga lors de la cérémonie de mise en service officielle des installations du Projet d’Approvisionnement en Eau potable de Yaoundé et ses environs à partir du fleuve Sanaga (PAEPYS). La cérémonie a fait courir un très important gotha gouvernemental, diplomatique, politique, administratif, sécuritaire, traditionnel et religieux de la région du Centre. Lancé en 2016, grâce à la coopération Sino-Camerounaise d’un coût de près de 400 milliards de FCFA, soit 15% par l’État du Cameroun et 85% par Eximbank China, ce projet est inscrit en très bonne place dans la politique socio-économique du Président de la République, Paul BIYA, qui, avait lors de son adresse à la Nation le 31 décembre 2022, réaffirmé ses efforts inlassables pour améliorer l’accès de tous les Camerounais à l’eau potable : «L’accès à l’eau potable demeure l’une de mes principales préoccupations…Au-delà de nos grandes métropoles, des ouvrages de production ont été réalisés dans certaines villes et vont s’étendre à d’autres localités urbaines et rurales au courant des années prochaines » sic.
10 milliards FCFA pour connecter toute la capitale
Un engagement très important dans un contexte où plusieurs ménages en sont encore privés, tant en milieu urbain, semi-urbain qu’en milieu rural. Une situation que vivent de manière cruciale les populations de la ville de Yaoundé. Ce qui justifie que l’un des objectifs majeurs de la Stratégie Nationale de Développement à l’horizon 2030 (SND30) est de porter le taux d’accès à l’eau potable de 90% contre 55% actuellement. Surtout que depuis 2010, l’accès à l’eau a été reconnu comme un droit humain fondamental par les Nations Unies. Preuve que l’accès à ce précieux liquide est une préoccupation mondiale qui demeure un enjeu sanitaire et économique important, étant entendue que l’eau constitue une ressource essentielle pour l’amélioration de la santé publique, mais aussi pour le développement socio-économique de tout pays. D’où la plus grande importance de développer les infrastructures hydrauliques de cette envergure dans toutes les régions du pays. Le PAEPYS qui a été réalisé à 97% par l’entreprise SINOMACH, est prévu pour résoudre de façon durable le déficit de production d’eau potable dans la ville de Yaoundé et ses environs, à travers une production supplémentaire de 300 000 m3 par jour, extensible à 400 000 m3 par jour. Venant s’ajouter aux 185 000 m3 d’eau produits actuellement par jour. Permettant ainsi de combler le déficit de production de Yaoundé, qui est estimé à 80 000 m3 par jour pour une demande en eau potable de 260 000 m3 par jour. Avec une telle production, le PAEPYS est annoncé pour couvrir les besoins en eau des populations de la ville de Yaoundé et ses environs, dont celles des villes de Batchenga et Obala, au-delà de 2040.
C’est dire que, la mise en service de cet ouvrage d’envergure, qui comprend 28 électropompes, 52 Km de lignes électriques, 102 Km de conduites et des multiples armoires électriques, est doté d’équipements de qualité, qui le présente comme l’entrée en production du plus grand ouvrage d’approvisionnement en eau potable en Afrique subsaharienne. Il est annoncé pour permettre de satisfaire en eau de qualité et en quantité suffisante les besoins des industries et des ménages qui se caractérisent par un rythme croissant de la population dont les besoins essentiels en eau sont à prendre en considération. Par ricochet, de saturer le réseau de distribution actuel et surtout d’approvisionner les points les plus hauts de la ville, autrefois privés d’eau. Seulement, alors que le Président de la République annonçait lors de son message à la Nation le 31 décembre 2023 que : «Sa mise en service prochaine, permettra de résorber substantiellement le déficit en eau potable de la ville de Yaoundé», la réalité est qu’il faudra attendre fin 2025 pour atteindre l’objectif escompté. Même s’il est indiqué que plusieurs quartiers de la cité capitale sont déjà alimentés depuis quelques jours à partir de PAEPYS dont les équipes de Camwater ont été félicité par le MINEE pour les efforts consentis pour sa meilleure prise en main. Pourtant, il a été annoncé que le Chef de l’Etat a instruit l’octroi d’un appui spécial de 10 milliards FCFA à Camwater afin que le concessionnaire du service public de l’eau potable puisse effectuer des travaux urgents sur le réseau de distribution.
La patte chaude a été cédée à Camwater
Ceci, afin de permettre l’intégration harmonieuse de la totalité de la production du PAEPYS dans son réseau de distribution actuel et la mise en œuvre d’un projet de reconfiguration du réseau de la ville de Yaoundé. Or, le MINEE, Gaston Eloundou Essomba précisera que : «La mobilisation des financements pour la réalisation de ce projet est en cours». Sachant les lenteurs qu’on a connues ultérieurement avec d’autres recherches de financement similaire, personne ne peut dire avec exactitude si la date du démarrage de ses travaux sans lesquels, le PAEPYS ne fera pas couler l’eau potable sur toute la ville de Yaoundé sera respecté comme annoncé par le MINEE. «Ces travaux qui démarrent courant septembre 2024, consistent en la mise en place d’une vaste campagne d’extension de réseau ainsi que de branchement de nouveaux ménages dans les villes de Yaoundé, d’Obala et de Batchenga». L’objectif étant d’adresser la problématique du renforcement du réseau actuel de Camwater qui présente quelques faiblesses. Dans la perspective de la réalisation de 200 000 nouveaux branchements ainsi que la construction d’environ 60 km de canalisations ; ce qui permettra de couvrir les besoins supplémentaires d’au moins 1 000 000 d’habitants, qui seront nouvellement desservis par ledit réseau d’ici «la fin de l’année 2025», a annoncé le MINEE. La pression est désormais transférée sur Blaise Moussa, le DG de Camwater. «C’est l’occasion pour moi de rappeler à Monsieur le Directeur Général de la Camwater, qu’au moment où le Gouvernement de la République vous confie cette infrastructure pour laquelle d’énormes sacrifices ont été consentis, vous avez la lourde responsabilité de veiller très jalousement à l’entretien et à la sécurisation des équipements», a martelé Gaston Eloundou Elanga, le Ministre de l’Eau et de l’Energie.
Les défis sont grands du fait qu’au Cameroun, la problématique de l’accès à l’eau potable reste évidemment un axe majeur de la stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté et par voie de conséquence, de développement du pays. Face à cet enjeu, il est annoncé de nombreux autres chantiers de renforcement de la desserte en eau qui sont en cours d’implémentation sur l’ensemble du territoire national. A l’instar de la réalisation d’un projet similaire d’alimentation en eau potable de la ville de Douala et ses environs, à partir du fleuve Wouri. Les études techniques y relatives sont achevées. A l’instar du PAEPYS, il aura vocation à renforcer l’offre de production dans la ville de Douala avec un volume additionnel de 400 000 m3 par jour. Mais aussi, de autres projets d’alimentation en eau potable de neuf (09) villes, qui sont en cours dans les villes de Maroua, Garoua, Garoua – Boulaï, Dschang et Yabassi, qui affiche un taux de réalisation de 20% et dont l’objectif est d’accroître l’offre en eau potable de 107 000 m3 par jour pour l’ensemble de ces localités. Il en est de même trois villes secondaires notamment Edea, Bertoua, et Ngaoundéré, qui affiche un taux d’avancement de 92%. C’est également le cas pour les 52 centres, qui sont quasiment achevés. Plusieurs autres projets sont en cours de maturation à l’instar du Projet de réhabilitation de 350 stations SCANWATER alimentés en énergie solaire, du Projet de réhabilitation des systèmes d’approvisionnement en eau des villes Buea, Tiko et Mutenguene, du Projet d’approvisionnement en eau potable dans 20 villes et bien d’autres.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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