CICAM
Ce n’était un poisson d’avril, ce 1er du mois de l’année 2024, les employés de la société Cotonnière Industrielle du Cameroun des usines de Douala et de Garoua, tout de noir vêtu en guise de deuil, ont remis au gré du jour le mouvement d’humeur encore plus virulente que celui du 15 mars dernier, en brandissant des pancartes appelant à la démission du Directeur général et son staff.
Un mouvement d’humeur du personnel de l’usine de Douala-Ndokoti de la société Cotonnière et Industrielle du Cameroun (CICAM) a agrément la matinée du 1er avril 2024 de cette entreprise. Conduisant à un arrêt du travail avec des manifestations bruyantes devant l’entrée de ce site abritant aussi la Direction générale. Vêtu de noir, le personnel a accueilli les responsables avec des pancartes sur lesquels étaient portées des messages épistolaires : «Nous exigeons le départ du PCA, DG, DGA, DAF, DCM » ; «Trop de mensonges, 13 mois sans salaire » ; «Où sont passé les 4,8 milliards FCFA de chiffre d’affaire réalisé dans la campagne du 8 mars ? » ; «CNPS zéro » ; «Prime logement nulle » ; «Où sont les retombées de la délocalisation de la Solicam » «Départ sans condition de tout le staff » ; «Gestion chaotique du DG en fuite » ; «Abada, tu as vraiment échoué avec tout ton staff » ; «Maman Chantal Biya vient nous sauver » ; «Papa Paul Biya sauve nous, Abada nous a tué » ; … Des confidences font état de ce que simultanément les travailleurs de l’usine de Garoua aussi étaient dans le même élan de débrayage.
Cette situation de tension sociale a obligé les autorités administratives de mobiliser les éléments du Commissariat Central N°3 et de la Compagnie de Gendarmerie de Douala-Bassa pour assurer la sécurité de l’usine et du staff dirigeant présent, mais aussi et surtout de dissuader les travailleurs en colère de rester dans une manifestation pacifique et non violente. Pour le personnel, c’est une situation de ras-le-bol et de refus de se faire prendre une énième fois dans le piège d’une exploitation servile. Après la campagne du 8 mars 2024 qu’ils disent avoir connu un succès total avec un chiffre d’affaire de 4,8 milliards de FCFA, les 700 employés s’étonnent qu’il n’y ait de la part de la Direction générale aucune perspective d’éponger les 13 mois d’arriérés de salaires. Pis encore depuis que la société traverse cette crise, le Directeur général, Edouard Abada Ebah n’a plus été visible à son bureau voilà plus de six mois. Il se serait galamment réfugié à Yaoundé tous frais payés par l’entreprise laissant l’entreprise naviguer à vue. Il prétend être en train de faire de la relation publique pour obtenir du gouvernement des actions visant à la restructuration de l’entreprise afin de la rendre plus viable et plus performante.
2,520 milliards de FCFA de tous les espoirs
Malheureusement, les employés disent ne rien voir luire à l’horizon. Même pas une simple promesse. C’est dire qu’il est en villégiature dans sa ville natale avec femme et enfants, se la coulant douce aux frais l’entreprise, abandonnant son poste et sa résidence officielle de fonction de Douala qui avait été réaménagé au lendemain de sa prise de fonction à «70 millions de FCFA». A contrario, ils sont pris dans une spirale visant à les embarquer dans une nouvelle campagne de production dans la perspective de la prochaine du travail. C’est pourquoi, on pouvait lire écrit en gros caractère sur le portail : «Pas de 1er mai sans nos salaires. Trop c’est trop !» Les autorités sécuritaires descendues sur les lieux en l’absence du Sous-Préfet de l’Arrondissement de Douala 5è qui avait joué au médiateur lors du mouvement d’humeur du 15 mars 2024 ont essayé de jouer à l’apaisement en tenant une réunion avec les Délégués du personnel, le Directeur Administratif et Financier (DAF), et le Directeur des Ressources Humaines (DRH). Il en est ressorti que le DG a été joint au téléphone pour donner sa position.
Le DG, Edouard Abada Ebah a dit être en train de bousculer pour l’Arrêté conjoint MINEPAT-MINFI signé le 28 mars 2024 portant cahier des charges des activités financées par le chapitre 93 : réhabilité/restructuration sur la base d’un contrat de performance entre l’Etat et certaines entreprises ou institutions publiques au titre de l’exercice 2024 aboutissement au déblocage de la somme de 2,520 milliards de FCFA destiné à la restructuration financière et technique de la CICAM. Placé sous la conduite du Ministère des Mines de l’Industrie et du Développement Technologique (MINIDT), cet apport financier est destiné à : - l’apurement de la dette sociale (salaires, CNPS,…) d’un montant de 1,660 milliards de FCFA ; - l’apurement des créances bloquantes d’un montant de 320 millions de FCFA ; et de l’acquisition des pièces de recharge pour faire redémarrer les usines d’un montant de 550 millions de FCFA. Au sortir de cette concertation, les délégués du personnel sont allés porter le message aux employés en leur demandant d’accorder un mois de sursis au DG pour lui permettre de finaliser avec cette diligence. «A la suite des échanges que nous avions eu, nous sommes venus vous demander de donner un mois à la Direction générale pour nous apporter des solutions concrètes à cette situation de crise que nous traversons », a annoncé Thomas William Engo, l’Administrateur-Délégué du personnel.
Un mois de sursis pas plus accordé au DG
Une proposition qui a divisé le personnel. Entre les radicaux qui refusaient toute forme de conciliation autre que l’annonce d’un paiement de leurs arriérés de salaires et les modérés qui estimaient que s’ils ont supporté treize (13) mois, ce n’est pas un mois de plus qui sera tuant. A condition que cela s’accompagne avec l’arrêt complet de travail. Parce qu’ils s’y voient une manière de leur amadouer pour la campagne de production du 1er mai et après se retrouver dans les mêmes travers. «Il serait de bon ton pour nous de lui donner un mois parce qu’il nous a dit qu’il a une réunion ce matin au Trésor pour qu’on vire cet argent. Sachant que cet arrêté a été signé le 28 mars 2024, nous voulons lui donner du temps et nous vous supplions, de lui accorder un mois pas plus», a fortement plaidé Thomas William Engo. Et de poursuivre : «Nous avions déjà beaucoup donné. Il faut essayer de prendre quelqu’un à son propre piège».
Rappelons que quatre jours plus tôt le personnel a perçu un appoint financier comme l’avait promis le DG au Sous-préfet lors du mouvement d’humeur du 15 mars dernier. Un appoint financier qui résulterait des états financier de la campagne de production et de commercialisation du 8 mars 2024 qui s’est déroulée avec un succès remarquable avec tout le stock vendu. «L’argent perçu jeudi dernier étaient une avance des arriérés de 2024. L’Etat camerounais a déjà pris en charge avril 2024 jusqu’à aujourd’hui.». On se rappelle aussi que le délégué du personnel, Joseph Pascal Epoh Bilé avait mis en garde la Direction générale et les autorités administratives. Indiquant que, si à la suite des états financiers de la campagne du 8 mars 2024 que le DG disait être en train d’effectuer, aucune retombée financière conséquente n’était redistribuée au personnel, il reprendrait ce débrayage sans préavis. La condition de misérabilisme ambiant dans laquelle le personnel est plongée avec un tableau sombre fait de manque de ration alimentaire, impayés de location, impayés des factures d’eau et d’électricité, incapacité de payer les soins de santé, des familles désagrégées, des familles jetées dans la rue, des enfants exclus pour non-paiement des frais de scolarité,… ne peut pas permettre une autre forme de revendication que cela.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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