LIBERTE DE LA PRESSE
Dans le cadre de la semaine de la célébration de la liberté de la presse, la ville de Yaoundé a accueilli les assises du 5è Forum National de la Liberté de la Presse et l’Accès à l’Information, le 5 mai 2023. Les patrons des médias, les journalistes, les institutions étatiques, les organisations internationales ont échangé, pendant une journée sur les maux et freins qui plombent l’épanouissement de la presse au Cameroun.
Dans le cadre de la 30è édition de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse (JMLP) qui coïncide avec le 75è anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Comité d’organisation a décidé d’aller à Yaoundé, la capitale politique, après quatre éditions tenues à Douala, organiser le 5è Forum National de la Liberté de la Presse et l’Accès à l’Information (FNLPAI). Cette activité est portée par le projet : « Action Citoyenne pour la Liberté de Presse » qui est mis en œuvre par l’Ong Un Monde Avenir et ses partenaires associations Zenü Network, Dynamique Citoyenne (Coordination du Centre), le Club Médias Ouest et le Syndicat national des journalistes du Cameroun (Section du Littoral), le partenaire financier : Fonds des Nations Unies pour la Démocratie (FNUD), et les partenaires d’accompagnement que sont l’Unesco et le Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique centrale (CNUDHD-AC) a été placé sur le même thème que celui retenu par l’Unesco : « La liberté d’expression comme moteur de tous les droits de l’homme ». Les participants, en majorité les journalistes, partis des dix régions du Cameroun ont échangé sans fioriture sur la situation de la liberté de la presse au Cameroun. Plantant le décor avec la diffusion du Message du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gueterres, à l’occasion de cette célébration, dans lequel, il fait le tour des difficultés que les journalistes et autres professionnels des médias rencontrent dans le monde sur le plan sécuritaire, technologique, économiques et répressif, les débats vont s’articuler autour des thématiques qui ont permis de faire l’état des lieux de la liberté de presse dans un environnement camerounais très hostile à l’exercice de cette profession. Mais, on retiendra de ce message cette reconnaissance qui sonne comme un grand bémol qui traduit le rôle de pierre angulaire de cette profession dans toutes les sociétés : « Cette journée met en lumière une vérité fondamentale : notre liberté dépend entièrement de celle de la presse». Et d’ajouter : «La liberté de la presse est le fondement même de la démocratie et de la justice ».Avant de déplorer que : « Mais aux quatre coins du monde, la liberté de la presse est attaquée ». Rappelant des chiffres peu reluisants. Avec au moins 67 professionnels des médias tués en 2022, soit une augmentation considérable de 50 % par rapport à l’année précédente.
Un état des lieux pas reluisant
Lorsqu’on imagine que le Cameroun compte parmi les pays où des journalistes sont tués et que depuis janvier 2023, on en compte déjà trois (03) au moment d’aller sous presse, on peut comprendre que l’exercice de la profession de journaliste est de plus en plus dangereux dans ce pays. Ce qui n’est pas sans conséquence puisque le Cameroun est relégué de 20 places au dernier classement mondial de la liberté de presse de fin avril pour se retrouver classé 138è. Alors que dans son message, la Directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay a appelé après 30 ans de célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, à mesurer le chemin parcouru, et se jeter dans la prospective de ce qu’il reste à faire ; au Cameroun en revanche, le Ministre de la Communication Emmanuel René Sadi dans sa déclaration va plutôt soutenir qu’«il s’agit aussi pour le Cameroun, ce faisant, d’exalter le chemin parcouru depuis une trentaine d’années, afin de faire de l’information un bien public accessible à tous, dans l’optique de la construction de la démocratie et de l’Etat de droit». Une offense aux journalistes et autres professionnels des médias au regard du tableau sombre qui est celui des conditions d’exercice au Cameroun. Avec quasiment tous les indicateurs concourant à la liberté de la presse au rouge. Qu’il s’agisse de : - l’insécurité dans laquelle ils travaillent ; l’impunité des auteurs des harcèlements, intimidations, menaces, agressions, enlèvements, arrestations et détentions arbitraires ; l’environnement économique des médias à capitaux privés qui favorisent leur faillite permanente ; les lois et règlements nationaux liberticides ; les organes de régulation et d’identification des professionnels qui servent de bras séculier du gouvernement pour museler les journalistes, accentuer la censure et menacer davantage la liberté d’expression ; une Convention collective nationale des journalistes signée en 2008, mais qui n’a jamais connu un début d’application ; un système judiciaire inféodé et un code pénal répressif ; et l’accès à l’information qui est une gageure tant les textes en vigueur au Cameroun interdissent toutes détenteurs des informations à caractère professionnelles de les mettre à la disposition du public.
Recommandations
Face à ce tableau déshonorable contrairement à la position du gouvernement qui se gargarise simplement de son ouverture au pluralisme des médias, certes qui est a salué, mais qui n’a aucune valeur sans liberté de presse véritable, les pistes de solutions ont été proposés. A savoir : - Mettre l’accent sur la formation en continue avec l’organisation des séminaires et autres plateformes d’échanges et de concertations. Ce à quoi, les organisations internationales et représentations diplomatiques en faisant leur la Déclaration Windhoek+30 de 2021, se sont engagées à soutenir le journalisme indépendant, à développer l’éducation aux médias et à l’information afin de promouvoir davantage le respect de l'éthique et de la déontologie dans l’exercice de leur métier. – Appel à la mise sur pied d’un véritable organe d’autorégulation de la profession. Le Ministre de la Communication, semble résolument engagé dans cette voie. – Un toilettage juridique des dispositions légales liberticides contenues tant dans aussi bien dans le Code pénal que dans la Loi N°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme et celle sur la lutte contre la cybercriminalité. Ceci en dissociant les professionnels des médias et les sirènes du numériques. - Revoir les dispositions du Code pénal sanctionnant tout détenteur d’une information portant sur le secret professionnel, le secret judiciaire, et le secret défense, … afin de lever le caractère absolu qui va favoriser l’atteinte à l’accès à l’information. - Procéder à la révision de la Loi 90/052 du 19 décembre 1990 relative à la Liberté de la communication sociale désuète, à défaut de faire voter une nouvelle loi sur la communication sociale au Cameroun. - Lever le verrou sur l’article 40 alinéa 1 du Statut général de la Fonction publique de l’Etat du Cameroun qui stipule que: « le fonctionnaire est tenu à l’obligation de réserve dans l’exercice de ses fonction ». - Dépénaliser les délits de presse au profit des sanctions pécuniaires et travaux d’intérêts civiques. Faire appliquer la loi numéro 2018/01 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de Bonne gouvernance dans la gestion des fonds publics au Cameroun qui oblige toutes les institutions financières de rendre publics les documents de gestions. - Reformer la Commission nationale de délivrance de la carte de presse pour la conformer aux principes internationaux de la parité afin de permettre aux pairs de s’y reconnaître et de se l’approprier.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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