COMMUNAUTE URBAINE DE DOUALA
La totalité ou presque des employés de la Mairie de la ville de Douala ont observé un appel au port d’une tenue noire le mercredi 27 mars 2024. Ce mouvement pacifique a été suivi par une mobilisation du personnel à l’esplanade de l’hôtel de ville à 14 heures. Le personnel proteste ainsi en signe de deuil communautaire la perspective d’une réduction drastique des salaires qui est annoncée à la séance plénière de la session communautaire convoquée pour le jeudi 28 mars 2024
Le travail a été pour le moins réduit au service minimum le mercredi 27 mars 2024 à la Communauté Urbaine de Douala (CUD). Habillé en noir, la quasi-totalité du personnel sans exclusion aucune, des Directeurs aux agents en passant par les collaborateurs les plus proches de l’exécutif communautaire ont arboré des tenues noires. Dans les bureaux les commentaires tournaient essentiellement sur cet élan de protestation pacifique qu’ils entendaient exprimer à l’attention de l’exécutif de la Mairie de la ville et des Grands Conseillers réunis depuis lundi pour des travaux en commissions de la session ordinaire consacré au vote du compte administratif de l’exercice 2023. Avec en prime, la tenue ce jour de l’examen des projets des délibérations qui devront être soumises en adoption à la séance plénière de ce jeudi 28 mars 2024. Parmi ces délibérations, il y en a deux particulièrement qui portent sur l’application du Décret N°2023/421 du 19 septembre 2023 «fixant le régime de la rémunération et les avantages alloués aux Secrétaires Généraux et aux Responsables des Collectivités Territoriales Décentralisées». Dans les échanges numériques de mobilisation aussi bien entre employés que dans les différents fora de la CUD, ainsi que sur les statuts Whatsapp on pouvait lire des messages hashtag évocateurs : «Mon salaire, mon combat» ; «Touche pas mon salaire»...Et l’un des employés de clamer dans l’anonymat que : «Nous sommes en posture de résistance pour la protection de nos acquis professionnels».
L’authenticité d’un Décret présidentiel en cause
Pour les délégués du personnel, l’application de ce décret entrainera de facto une réduction des salaires de base et par ricochet des indemnités de sujétion et de représentativité de 50 à 65% aussi bien pour les Secrétaires généraux, les Directeurs, Directeurs adjoints, sous-Directeur, Chefs de service et Chefs de bureau. Soulignant que dans la forme, l’ambiguïté sur l’authenticité de ce Décret tient de ce qu’il n’apparait pas dans la thermocopie des Décrets publiés sur le site de la Présidence de la République, qu’il n’a pas été publié dans le journal officiel, et qu’il n’avait pas été lu ni au journal de 13 heures, ni de 17 heures du poste national de la CRTV. Ce qui pourrait traduire soit qu’il a été retiré de la publication par qui de droit pour sa non-application, soit que son authenticité peut être légitimement remise en cause. Curieusement, le Ministre de la Décentralisation et du Développement Local (MINDEVEL) a depuis la fin d’année dernière sommé les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) à le mettre en application. Ce qui explique que lors de la session ordinaire de janvier 2024 du Conseil régional, une délibération avait été votée pour réajuster les indemnités du Secrétaire général de la Région..
Seulement, à la CUD, on ne l’entend pas de cette oreille, ce qui justifie que la grogne est forte et pourrait avoir des ramifications dans les autres Communautés Urbaines, Communes et Communes d’Arrondissement à fort potentiel économique où les salaires et les indemnités diverses ont été fixés antérieurement par des délibérations votées par les différents organes délibérants sur le principe de l’autonomie des CTD. Des salaires et des indemnités plus importants que ceux figurants dans ce décret du 19 septembre 2023. Au point que lors de la session ordinaire de juin 2023 consacré à l’exécution du budget, l’ancien Préfet du Wouri, Benjamin Mboutou avait demandé une révision conséquente des indemnités diverses des cadres de la CUD parce qu’il soutenait qu’il représentait deux, trois, voire quatre fois le salaire de certains. Ce qu’il trouvait inadéquat et injuste. Suscitant un tollé général. Et les concernés avaient maugrée que cela était impossible parce qu’il était non seulement issu des délibérations mais aussi des accords d’entreprise qui avaient été le fruit des négociations menées en son temps par les exécutifs précédents, les délégués du personnel et les syndicats des communes. En outre, les employés de la CUD de souligner que l’appliquer serait certes bénéfique pour la majorité des employés des Communes et Communes d’arrondissement dans l’arrière-pays où le potentiel économique est faible, mais encore, cela poserait un énorme goulot d’étranglement pour ces exécutifs municipaux qui n’ont déjà pas les ressources financières nécessaires pour assurer les salaires actuellement fixés par délibération pour oser appliquer ceux fixés par ce décret de septembre 2023.
Triple pénalisation
En revanche, les délégués du personnel de la CUD de faire remarquer que ce serait triplement pénaliser les employés des Communautés Urbaines et des Communes et des Communes d’Arrondissement en général et à fort potentiel économique en particulier. Parce qu’ils n’ont pas été bénéficiaires des mesures d’accompagnement prises pour amortir les effets des augmentations du carburant de février 2023 et février 2024 soit respectivement une revalorisation salariale respectivement de 05% et 05,2% appliqué aux fonctionnaires, aux forces armées et autres agents de l’Etat. «Comment peut-on expliquer qu’alors que le Président de la République oriente sa politique vers l'amélioration des conditions de vie des Camerounais à travers la revalorisation des salaires, certains veulent faire appliquer un fameux décret aux effets néfastes», déclare Charly Ekanga, Délégué du Personnel à la CUD. Et de poursuivre : «Ce sont les éléments d'un coup d'état scientifique pure. Si non comment comprendre que c’est alors que nous nous acheminons vers la fin du mandat des Maires et du Président de la République qu’on sort des mesures aussi impopulaires». D’ailleurs, en attendant que leur pression porte des fruits en obligeant les Grands conseillers à ne pas voter cette forfaiture, les délégués du personnel de la CUD confient que des négociations tripartites sont en cours depuis des mois à Yaoundé entre le MINDEVEL, le MINTSS et les Syndicats des Communes pour l’adoption d’une convention collective qui viendrait mettre un terme à cet imbroglio que certains entretiennent à des fins peu orthodoxe. En attendant, les employés annoncent une forte mobilisation toujours vêtus en noir pour ce jeudi 28 mars 2024, lors de la séance plénière clôturant cette session. Au moment où nous allions sous presse, nous avions appris que les Grands conseils après avoir rencontré l’exécutif de la Mairie de la ville ont sollicité une rencontre avec les délégués du personnel. Des indiscrétions font état de ce que les Grand conseils solliciteraient le renvoi de ces délibérations à problème pour les sessions prochaines, le temps de voir plus clair et d’éviter que les éventuels troubles sociaux partent de la ville de Douala où il règne encore un relent d’accalmie.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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