Fusion GICAM-E-CAM
Le 05 avril 2023, les Président du GICAM, Célestin Tawamba et de E-CAM Protais Ayangma, ont procédé dans une grande solennité, à la signature du Traité de fusion des deux organisations patronales. Cette fusion tant sur la forme que sur le fond, pose un certain nombre de problèmes que je dénonce et qui du point de vue de l’éthique et du droit rendent ladite fusion caduque.
Tout d’abord, je tiens à préciser que par essence, le regroupement des organisations notamment patronales est souhaitable dans un environnement où la dispersion des forces et des énergies est un facteur d’affaiblissement. Dans le cas d’espèce, ce regroupement est d’autant souhaitable que E-CAM est né d’un schisme au sein du GICAM et que ce qui peut apparaitre comme le retour des enfants prodigues, est salutaire. C’est dans cette optique que les membres du GICAM dans leur immense majorité, ont salué les propos du Président Tawamba qui lors de son investiture le 29 juin 2017 a déclaré « L’exigence de rassemblement nous imposera de ne ménager aucun effort pour réunir et fédérer tous les Patrons au sein de la Maison Commune qu’est le GICAM… D’ores et déjà, nous tendons officiellement la Main à ceux qui, pour une raison ou une autre, ont tourné le dos à notre Groupement ».
Mais qu’est ce qui fait problème ?
Le traité de fusion signé le 05 avril sans approbation des adhérents consacre explicitement la mort du GICAM. De manière invariable, il y est fait référence à : « la nouvelle centrale patronale », « Une Assemblée Générale constitutive », « de nouveaux statuts », « fusion-création », etc. Toutes choses contraires à l’esprit de consolidation de « la maison commune qu’est le GICAM » prôné il y a 6 ans par Célestin Tawamba et repris en chœur par les adhérents du GICAM.
Le GICAM est un patrimoine national que personne ne peut se permettre d’aliéner
Faut-il le rappeler, le GICAM a 66 ans d’existence et le chemin parcouru a été jonché de défis que les pères fondateurs et les générations actuelles ont su et pu relever grâce au travail acharné de tous et à des efforts qui ont permis de faire du GICAM plus qu’une organisation, mais une véritable institution dans l’environnement camerounais. Mieux, le GICAM est un patrimoine national que personne ne peut se permettre d’aliéner dans le simple but d’assouvir des desseins individuels.
Le traité de fusion fait référence, à juste titre d’ailleurs, à la réparation de la « fracture intervenue au sein du GICAM en 2008 ». Faut-il également le rappeler, les auteurs de cette fracture sont ceux-là même qui aujourd’hui ont signé l’acte de mort du GICAM. En 2008 Protais Ayangma et Célestin Tawamba étaient les têtes de prou de ceux qui ont claqué la porte pour aller créer E-CAM dont ils étaient Président et Vice-président. Je ne reviendrai pas sur le contexte de ce mouvement d’humeur, mais les faits sont intangibles et infalsifiables. C’est de l’aventure E-CAM que Célestin Tawamba est revenu au GICAM… par le sommet. Il n’est pas superflu d’imaginer que le projet de mise à mort du GICAM remonte à 2008 et son épilogue est proche. En tout état de cause, ceux qui ont à cœur de bâtir sur du rock en commençant par les adhérents du GICAM, devraient faire barrage à cette entreprise funeste.
Le traité de fusion dont il est question est une violation flagrante des statuts du GICAM
Au-delà de la mise à mort du GICAM qui consiste à gommer l’Histoire, le traité de fusion dont il est question est une violation flagrante des statuts du GICAM, ce qui est condamnable au double plan de l’éthique et du droit.
La fusion d’après ses initiateurs entraine la modification des statuts du GICAM. Or d’après l’article 12 desdits statuts, seule l’Assemblée Générale Extraordinaire a compétence pour connaitre de la modification des statuts. Or aucune Assemblée Générale ne s’est réunie à ce jour pour débattre de ce projet qui semble acté. Plus grave encore, toute la cuisine se serait faite au niveau du Conseil d’Administration du GICAM ; or ce Conseil d’Administration a des attributions clairement définies à l’article 14 alinéa 4 des statuts du GICAM. Il n’a aucune compétence en ce qui concerne la modification des statuts.
Comble de paradoxe, le traité de fusion fait référence à la fois (i) à une Assemblée Générale constitutive d’une nouvelle organisation ayant ses propres statuts et (ii) à une modification des statuts du GICAM. Bien plus il y a est dit que « Monsieur Célestin Tawamba, ès qualité de Président du GICAM, et au nom de cette institution, déclare qu’il sera proposé aux membres du GICAM réunis en Assemblée Générale Extraordinaire, d’entériner le présent Traité de fusion dans les conditions prévues par les statuts du GICAM ». Or l’article 12 des statuts du GICAM qui définit les compétences de l’Assemblée Générale Extraordinaire indique clairement et de manière pertinente que cette instance statue sur « les modifications des statuts du Groupement ». Plus loin, l’article 26 traitant de la dissolution stipule que « La dissolution ne peut être prononcée que par l’Assemblée Générale Extraordinaire conformément aux prescriptions légales… ». En définitive, s’agit-il (i) de la modification des statuts, (ii) de l’adoption du Traité de fusion, (iii) de l’adoption des nouveaux statuts de la nouvelle organisation, (iv) de la dissolution du GICAM ? Un véritable pataquès qui cache mal un dessein funeste.
Quand le syndrome du pouvoir éternel s’empare du patronat, nous bafouons nous-mêmes nos valeurs
Par ailleurs, où est donc passé le Comité des Sages du GICAM qui pourtant selon l’article 17 des statuts est « l’instance mise en place pour veiller au respect des valeurs et principes du GICAM et pour apporter des conseils et des éclairages au conseil d’administration ». Bien plus l’article 17 alinéa 2 traitant des attributions du Comité des Sages stipule entre autres que « Le Comité des Sages fait office de gardien des Statuts du Groupement et des principes fondamentaux qui sous-tendent la gouvernance et le fonctionnement du GICAM ». « II veille à l’application des statuts dans leur lettre et leur esprit, ainsi qu'au respect de la Charte éthique et de bonne gouvernance ».
« En outre, il est consulté pour avis de conformité sur les thèmes suivants :
Les projets de modification des statuts ;
Les règles générales de fonctionnement du Groupement ».
Or à ce jour, le Comité des Sages semble n’avoir pas été saisi ni en ce qui concerne la fusion-création, ni sur l’éventualité d’une modification des statuts encore moins sur la dissolution du Groupement. Il s’agit donc d’un passage en force dont le but ultime est de consacrer l’hégémonie du Président Tawamba sur le patronat camerounais. En d’autres circonstance on parlerait du syndrome du troisième mandat.
En effet, les statuts du GICAM disposent à son article 14 alinéa 2 que « le Président n’est rééligible qu’une seule fois pour un mandat de trois ans ». Or le second mandat de Célestin Tawamba s’achève en décembre 2023. Il n’est donc plus éligible. Or la mise à mort du GICAM et la création d’une nouvelle organisation patronale lui ouvrirait la voie pour s’éterniser à la tête du patronat. Quand le syndrome du pouvoir éternel s’empare du patronat, nous bafouons nous-mêmes nos valeurs qui sont entre autres l’excellence, l’esprit d’équipe, l’intégrité, l’éthique, la solidarité toutes choses consacrées dans les statuts du GICAM.
Je suis intimement convaincu comme bon nombre de dirigeants que pour développer nos entreprises, l’économie de notre pays, nous devons plus que par le passé prendre nos responsabilités individuellement et collectivement pour contribuer à édifier un environnement plus vertueux. C’est pourquoi j’invite tous les adhérents à se préparer à dire massivement NON à la mise à mort du GICAM qui nous sera présentée lors de la prochaine Assemblée Générale Extraordinaire cette année.
Emmanuel WAFO
Chef d’Entreprise
Président de la Commission Economie et Développement de l’Entreprise au Gicam
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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