COMMUNAUTE URBAINE DE DOUALA
Tenue dans un climat social tendu avec les employés de la Communauté Urbaine de Douala sur le qui-vive, la première session ordinaire du Conseil de la Communauté de l’exercice 2024 a vu le rejet des deux délibérations visant à réduire considérablement les salaires et indemnités de 90% du personnel.
Donnant lecture du Rapport général des travaux en commission, Jules Raymond Minamo, le Président de la Commission des Finances va annoncer que «les Commissions recommandent le rejet du projet de délibération fixant les montants des indemnités et avantages à allouer au Secrétaire Général et aux responsables de la Communauté Urbaine de Douala (CUD), et par ricochet le projet de délibération compensatoire autorisant le Maire de la Ville à accorder diverses primes au personnel de la CUD ». En effet, sur instruction du Ministre de la Décentralisation et du Développement Local (MINDEVEL), il a été instruit aux Collectivité Territoriale Décentralisée (CTD) d’appliquer le Décret n°2023/421 du 19 Septembre 2023 «fixant le régime de rémunération et les avantages alloués aux Secrétaires Généraux et aux Responsables des Collectivités Territoriales Décentralisées». En exécution, le Maire de la ville de Douala, Roger Mbassa Ndinè a proposé deux projets de délibérations. L’un fixant les montants des indemnités et avantages à allouer au Secrétaire Général et aux responsables de la CUD ; et l’autre, le projet de délibération autorisant le Maire de la Ville à accorder diverses primes au personnel de la CUD, en vue d’atténuer les effets drastiques qu’engendrait le précédent. Cette perspective a fait couler beaucoup d’encre et de salive et conduit à un mouvement d’humeur sourde avec l’appel du port d’une tenue noire le mercredi 27 mars 2024, le jour où l’exécutif de la Maire de la ville rencontrait les membres des Commissions des Finances pour examiner ces deux délibérations. Mais surtout, la veille de la séance plénière du Conseil de la communauté.
Les Grands Conseillers solidaires du personnel
Ce mercredi en noir largement suivi avait marqué une posture de résistance sourde et pacifique. Avec en toile de fonds des échanges incisifs des messages de protestation : «Mon salaire, mon combat» ; «Touche pas mon salaire»… Une tension vive qui avait conduite à un service minimum et à une mobilisation du personnel à la cours des miracles (esplanade de l’hôtel de ville) entre 14 et 15 heures. Un climat de tension social qui n’a pas laissé indifférent les Grands conseillers dont les effluves étouffaient leurs travaux en commission et qui avaient par ailleurs subi la pression et le lobbying des délégués du personnel. Ce qui les a obligés d’examiner lesdits projets de délibération avec beaucoup d’attention. C’est alors que les Grands conseillers vont constater l’ampleur des ravages de l’application de ce décret présidentiel qu’on ne retrouve nul part ni sur le site de la présidence de la république ni dans les archives u journal officiel. «Après les explications appuyées du Directeur des Ressources Humaines de la Communauté Urbaine de Douala que cette délibération affecte directement plus de 90% du personnel (environ 1200 agents) de la CUD compte tenu d’une incidence financière désavantageuse de 60% sur leur salaire, soit une diminution d’environ 3,891 milliards de FCFA sur la masse salariale de la CUD», indiqueront-ils.
Suffisant pour justifier la grogne générale qui partait du Secrétaire général aux chefs de bureau en passant par les Directeurs, sous-Directeur, Chefs de service,… Compatissant, les Grands conseillers vont déclarer qu’«ils regrettent que ledit projet de délibération est de nature à remettre en cause le principe universel relatif aux avantages acquis en matière de salaire». Pour justifier leur rejet, les Grands conseillers vont juger inopportunes l’adoption d’une telle délibération qui aura de la peine à s’inscrire dans la durée au profit du personnel de la CUD. Non sans observer que l’article 1er dudit décret qui traite du champ d’application, ne s’applique pas au personnel relevant des collectivités territoriales décentralisées, dont la création est largement postérieure. Par conséquence, marquer leur incompréhension et s’interroger sur l’opportunité de la validation de ce projet de délibération : - Au moment où les populations font face à la baisse de leur pouvoir d’achat avec l’augmentation du prix du carburant et des denrées alimentaires de toute sorte ; - Au moment où le Président de la République a décidé d’instruire l’augmentation des salaires des fonctionnaires de l’Etat et la revalorisation du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) pour permettre aux travailleurs de faire face à la réduction de leur pouvoir d’achat ; - Au moment la CUD a besoin d’avoir son personnel fortement mobilisé pour réaliser les projets d’envergure portant sur le Plan de Mobilité Urbaine Durable, le Programme Douala Clean City, l’Amélioration de la Voirie Urbaine entre autres....
Le Préfet du Wouri compréhensif
Par ricochet, même le projet le Projet de Délibération fixant les montants des indemnités et avantages à allouer au Secrétaire Général et aux Responsables de la CUD qu’envisageait le Maire de la ville de Douala comme mesure compensatoire pour atténuer l’effet désastreux des 60% d’incidence financière désavantageuse qui n’avait plus lieu d’être. L’organe délibérant soutenant que c’est pour préserver la cohésion sociale dans la ville de Douala ; marquer leur attachement aux idéaux fondamentaux du renouveau qui consacrent l’amélioration permanente des conditions de vie des populations et non leur dégradation ou encore leur rétrogradation ; et le souhait de voir régner de manière durable et pérenne la paix et la stabilité sociale dans la cité capitale économique. Le Préfet du Wouri, Sylyac Marie Mvogo qui présidait les travaux de la séance plénière va affirmer : «Je voudrais également dire que nous obéissons à un model systémique où tout se tient. Il ne faudrait pas qu’il y ait des cloisonnements étanches entre l’exécutif, l’organe délibérant et le personnel. C’est pourquoi, je salue du fond du cœur la compréhension qu’il y a eu de la part des Grands conseillers de la communauté par rapport aux doléances du personnel».
Par la suite, il va s’adresser aux employés de la CUD : «Je voudrai dire assez personnellement que nous ne gérons pas la République dans les réseaux sociaux. Il n’y a pas eu besoin de réseaux sociaux pour obtenir cette solution assez humaine je dois le dire, parce que si on explorait la loi dans sa rigueur tant sur le plan du texte que de l’esprit du texte on ne serait pas arrivé à cette solution. Mais je comprends l’humanité des grands conseillers. A votre tour également de mérité cette humanité en vous dévouant plus que par le passé à l’accomplissement optimal de vos tâches». Aux délégués du personnel, il va demander de «jouer pleinement leur rôle. Il n’est pas bon qu’on voit des regroupements parce qu’on a une doléance. Elle doit être portée par vos délégués que vous avez désignés pour faire valoir vos intérêts auprès de l’exécutif et au sein du Conseil. Nous allons arriver à nous entendre harmonieusement». Un paternalisme qui va lui valoir des applaudissements nourris contraire au père-fouettard qu’était son prédécesseur. Dans la peur de voir la tutelle mettre davantage de pression pour obtenir l’application de cette nouvelle grille de rémunérations et des indemnités, les délégués du personnel de la CUD reposent la suite de leur combat sur les négociations tripartites en cours depuis des mois à Yaoundé entre le MINDEVEL, le MINTSS et les Syndicats des Communes pour l’adoption d’une convention collective qui viendrait mettre un terme à cet imbroglio que certains entretiennent à des fins peu orthodoxe.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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