BONNE GOUVERNANCE
Après avoir révélé dans une étude publié en juillet 2023 que 85% des Présidents des Conseils d’Administration en fonction dans les entreprises publiques et parapubliques sont hors la loi, soit au nombre de 48 qui avaient dépassé ou atteint la limite en matière de mandat fixé à six (06) ans. Pr Viviane Ondoua Biwolé, Experte en questions de gouvernance, vient dans une étude publié le 08 juillet 2024 que le nombre est passé à 57 Présidents des Conseils d’Administration sur les 88 entreprises et établissements publics analysés sont illégaux soit un taux de non-conformité de 64,77%. Et doivent être remplacés avant le 12 juillet 2024.
Dans une étude rendue publique sur le titre : «République exemplaire», Pr Viviane Ondoua Biwolé, Professeur des universités et Promotrice du cabinet OBIV Solutions déclare que «Le Président de la République du Cameroun devrait nommer au moins 57 PCA avant le 12 juillet 2024 » Elle est partie d’une analyse qui consiste à décrire la situation des Présidents des Conseils d’Administrations (PCA) illégaux des entreprises et établissement publics au regard des lois N°010 et 011 du 12 juillet 2017. Cette analyse documentaire révèle que 57 PCA sur les 88 entreprises et établissements publics analysés sont illégaux soit un taux de non-conformité de 64,77%. Il ressort quatre constats suivant : - 57 PCA sur les 88 entités analyses sont illégaux ; - La longévité de ces PCA va de 6 à 32 ans ; - Seulement dix (10) femmes sur cinquante-sept (57) soit 17% font partie de cet effectif; et - 42% de ces PCA sont des ministres. Pr Viviane Ondoua Biwole rappelle que cette étude fait suite à celle effectuée l'année précédente où elle révélait que 85% des PCA en fonction étaient hors la loi. Equivalent à au moins 48 PCA d’entreprises publiques qui avaient dépassé ou atteint la limite en matière de mandat de six (06) ans sur les 113 entreprises et établissements publics répertoriés. Seules 102 entreprises rendaient disponibles l’information sur la nomination des PCA (soit 90,20). Sur les 102, 48 PCA (soit 47%) avaient atteint et dépassé la période prévue de leur mandat de six ans le 12 juillet 2023. Les durées au poste vont de six (6) à trente-un (31) ans. Plus précisément 31 PCA ont un mandat de 6 à 11 ans, 16 ont une longévité au poste variant de douze (12) à dix-sept (17) ans, trois (3) ont un mandat de dix-huit (18) à vingt-trois (23) ans et trois (3) ont une durée de plus de vingt-trois (23) ans.
Par ailleurs seulement huit (8) femmes sur quarante-huit (48) (soit 16,66%) font partie de cet effectif. Il apparaissait alors que seuls sept (7) PCA (soit 15%) respectaient la durée de six (6) ans au poste de PCA soit un taux de non-conformité de 85%. Ce taux est très inquiétant et reflète la faiblesse de l’Etat de droit dans ce secteur. En effet, le délai de six (06) ans était déjà une exigence dans le cadre de la loi de 1999 revisée par celles de 2017. A la date de promulgation des lois de 2017, quarante-un (41) PCA sur les quarante-huit (48) avaient des mandats largement échus. Un an plus tard, en actualisant cette étude, soit en 2024, le nombre des PCA illégaux est passé de 57 sur 88 entreprises et établissements publics dont les données sont disponibles, soit un taux de non-conformité globale de 64,77%. Qui sont-ils ? Quels sont les préjudices causés par cette violation des textes ? Leurs longévités au poste varient entre six (06) et trente-deux (32). 28 ont une longévité entre six (06) et onze (11) ans ; 21 sont entre douze (12) et dix-sept (17) ; trois (3) sont entre dix-huit (18) et (23) et huit (8 ) sont entre vingt-trois (23) et trente-deux (32). Le plus ancien étant le plus ancien, est PCA de l’Office National du Cacao et Café. Il ressort aussi que presque tous les PCA dont les mandats étaient échus depuis le 12 juillet 2023 n’ont pas été remplacés. Seul le PCA du Parc National de Génie Civil (MATGENIE) qui a été nommé le 26 décembre 2023 est encore dans la légalité. Cela représente un taux de maintien de 97,87%. Entre temps, deux (02) PCA sont décédés. Il s’agit de celui du FNE et de l’ARSEL qui n’ont pas encore été remplacés. Autrement dit, «on note donc un accroissement significatif de neuf (09) PCA illégaux en 2024 qui viennent s’ajouter aux quarante-huit (48) de 2023», indique Viviane Ondoua Biwolé.
Les préjudices sont juridiquement très graves
Curieusement les statuts des PCA illégaux son évocateurs et appellent à une République exemplaire. Ainsi, il apparaît que tous les PCA sont de hauts profils de l’administration publique camerounaise et donc astreints à l’exemplarité. Ils sont par ailleurs tous membres du RDPC, le parti au pouvoir. Il s’agit entre autres de : - 24 PCA qui sont ministres ou ont rang de ministres ; soit la plus grande représentation avec 42 %; - 05 Gouverneurs soit 08,7% ; - 03 DG soit 05,2% ; - 03 Chargés de mission à la Présidence de la République soit 05,2% ; - 02 Conseillers du SG du RDPC soit 03,5% ; - 02 Chargés de missions à la Présidence de la République (3,5%) ; - 01 hommes d’affaires, 01 Maire, 01 professeur émérite, 01 Secrétaire Général de ministère ; 01 Avocate ; 01 Secrétaire Permanent ; 01 Coordonnateur national ; 01 ancien Ministre ; 01 ancien DG ; et - 09 non renseignés. Les préjudices de leur maintien sont sans équivoques : - L’Affaiblissement de l’État de droit et de la République exemplaire. En ce que les lois 010 et 011 du 12 juillet 2017 ont consacré la rotation des dirigeants comme l’un des leviers de la performance des entités publiques, en fixant une durée maximale de neuf (9) ans pour les directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints, et de six (6) ans pour les présidents et membres du conseil d'administration. Le débat de leur rétroactivité ou non n’est plus d’actualité. «Il n’échappe à personne que la violation des lois et des décrets constitue une entorse évidente à l'État de droit et un acte de délinquance administrative nuisible à l'ordre républicain. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la majorité des PCA occupent des postes de Ministres ou de Directeurs généraux, représentant ainsi l'élite administrative censée donner l'exemple et sanctionner les violations flagrantes de la loi».
Il en va de même de la dégradation de la valeur dans les entreprises. Ce d’autant plus que la longévité des dirigeants n'est pas toujours bénéfique pour la performance des entreprises. Les évènements ont donné raison aux tenants de la non-rétroactivité. «Dès lors, à partir de 2023 on aurait pu assister à un renouvellement massif de PCA. Il apparaît deux cas de figure. Pour les entreprises performantes et ne présentant pas de risques budgétaires, on pourrait croire que les dirigeants y constituent un actifs spécifiques et contribuent à créer de la valeur. A l’inverse pour les entreprises non performantes, et c’est la majorité des cas, les dirigeants dégradent la valeur». Mais aussi de la déstructuration des hypothèses de changement. Puisque la théorie du changement (argument et hypothèses retenues comme condition de changement adoptée dans le cadre de la réforme des entités publiques devient inapplicable, car les hypothèses de causalité sont bafouées par l'absence de rotation ou de mouvement des dirigeants sociaux. Et enfin, il y a la responsabilité civile et pénale des PCA. Car, les PCA concernés engagent leur responsabilité civile et pénale en prenant des actes dont la légalité peut être contestée. De même ils agissent en toute illégitimité. «Et pourtant, la loi a mis en place des mesures visant à prévenir les vacances de poste ou toute violation manifeste. En cas d’expiration du mandat du Président du Conseil d’Administration, le Ministre de tutelle technique en informe l’autorité de nomination à la diligence du Conseil. En effet, le PCA dont le mandat est échu n'est pas habilité à convoquer une session dudit Conseil sinon, il s'expose aux sanctions prévues par la réglementation en vigueur », précise Viviane Ondoua Biwolé. Et de conclure que : «Afin de concrétiser son vœu de "République exemplaire" qu'il défend, le Président Paul Biya devra remplacer, avant le 12 juillet 2024, tous les 57 PCA dont les mandats ont expiré ; le faire ne serait pas régler des comptes aux concernés mais appliquer à tous la loi».
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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