CAMEROUN
Plusieurs organisations de la société civile ont sous l’impulsion de l’Ong Un Monde Avenir lancé le 14 février 2024 une pétition pour demander à l’Etat du Cameroun de modifier le système électoral afin de le rendre les prochaines élections plus justes, plus transparentes, et plus indépendantes. Ceci afin d’éviter les contestations et les crises post-électorales qui secouent régulièrement le Cameroun aux lendemains des joutes élections. L’adhésion a été massive au bout de 21 jours de collectes.
Le siège de l’Ong Un Monde Avenir a accueilli le 15 mars 2024 la conférence de presse donnée par des représentants de la société civile dont les organisations étaient parmi les porteurs de l’initiative de la pétition intitulée : «Sauvons le Cameroun ! Sécurisons les prochaines élections. Exigeons une reforme avant les élections». Visant à obtenir 4000 signatures des Camerounais de l’intérieur et de la diaspora, ainsi que de toutes les couches sociales afin solliciter la réforme du système électoral au Cameroun. Lancée le 14 février 2024, l’opération est parvenue en 21 jours a enregistré 5063 signatures soit plus de 126% des objectifs fixés. «Réaliser cet objectif en un laps de temps si court témoigne de ce que les citoyens Camerounais attendent du Président de la République, qu’il prenne sa responsabilité en tant que garant de la paix sociale, en engageant des reformes consensuelles du cadre juridique et institutionnel pour des élections crédibles. Nous n’avons pas intérêt, dans l’état actuel des souffrances du peuple à ouvrir un nouveau front de crise post-électorale», a déclaré Philippe Nanga, Coordonnateur de l’Ong Un Monde Avenir. Et d’ajouter qu’après les 21 jours, des centaines de signatures continuent d’être enregistrées.
Les signatures envoyées au Président de la République
Le 7 mars 2023, le consortium a par courrier express envoyé par DHL, un pli fermé contenant une pile de documents comportant la pétition et 5063 signataires a été envoyée au Président de la République. L’accusé de réception montre qu’il a été réceptionné par les services compétents de la Présidence de la République. «Pourquoi, il a été adressé à M. Biya Paul particulièrement ? Parce que c’est lui qui incarne l’ordre gouvernant. Nous savons tous que nous sommes dans un pays où par sa démocrature, il est le tenant du pouvoir judiciaire, du législatif et de l’exécutif », justifie Hilaire Kamga. Cependant, certains puristes du droit se seraient attendus que les porteurs de cette initiative adressent cette pétition et ses signatures au parlement à travers des propositions de lois, la centaine d’organisation de la société civile engagée dans cette initiative disent avoir puisé dans leur expérience passée «pour ne pas frapper aux portes qui ne peuvent pas s’ouvrir ».
Quant au nombre de signatures recueillies, les OSC porteurs de cette initiative se disent largement satisfait. «Au-delà de l'objectif de 4000 signatures, le nombre de 5063 signatures obtenues en un laps de temps si court témoigne de ce que les citoyens Camerounais attendent du Président de la République, qu’il prenne sa responsabilité en tant que garant de la paix sociale, en engageant des reformes consensuelles du cadre juridique et institutionnel pour des élections crédibles. Nous n’avons pas intérêt, dans l’état actuel des souffrances du peuple à ouvrir un nouveau front de crise post-électorale », déclare Philippe Nanga. Et Hilaire Kamga d’ajouter : «On s’est rendu compte que ce n’est pas le quantitatif qui fait bouger les lignes. Nous avons voulu par cette opération faire du symbolique d’abord et puis amener l’opinion nationale et internationale à prendre acte que les Camerounais sont en majorité pour cette démarche». Surtout que par le passé il a été mobilisé plus de 800 000 signatures des Camerounais, pour dire à l’ordre gouvernant que la modification de la constitution n’était pas nécessaire. Près de 200 organisations ont été mobilisées pour cela, et il a été remis à Biya Paul cette pétition. Il n’en a pas tenu compte.
Le leitmotiv de cette pétition
Avec cette autre pétition portant sur la réforme du système électoral, les Camerounais ont parlé et montré qu’ils veulent de tout cœur une réforme du système électoral pour garantir la paix au Cameroun au sortir des élections de 2025. Les OSC porteurs du projet relèvent que la nécessité de revoir la loi électorale fait partie des recommandations fortes du Groupe de travail du Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies pour l’examen périodique universel. Et se fondent sur le fait que : - Depuis le retour du Cameroun au multipartisme avec les premières élections en 1992, toutes les élections organisées jusqu’ici se sont soldées par des violences graves entrainant des morts d’hommes. - En 2012, l’Assemblée Nationale du Cameroun avait voté la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral. Tout en soulignant que cette loi a été adoptée dans une atmosphère de vive contestation avec d’une part, les organisations de la société civile et des partis politiques de l’opposition qui organisaient des manifestations y compris des marches pacifiques devant l’hémicycle et, d’autre part, la sortie de tous les députés de l’opposition lors de la plénière d’adoption de cette loi, en signe de désapprobation non seulement de la démarche mais surtout du contenu du document présenté. De fait, le code électoral actuel y compris les aspects constitutionnels relatifs aux élections, comporte plusieurs éléments conflitogène et/ou qui violent les principes démocratiques.
Il s'agit, entre autres, de la répartition inéquitable des sièges qui affecte le vote égalitaire, la désignation non consensuelle de l’autorité et le juge électoraux par le président de la république; l’achat des voix par le marchandage des bulletins de vote; la non maitrise du fichier électoral par l’ensemble des concurrents politiques; la primauté d’un procès-verbal sur les autres; la déresponsabilisation de l’autorité électorale qui perd le contrôle du processus après l’étape communale; la duplication du mode de désignation des vainqueurs (proportionnelle et majorité) aux élections locales; l'interdiction faite à l’organe de gestion électorale de publier les résultats provisoires; la quasi-impossibilité d'un contentieux électoral effectif aux législatives et la présidentielle faute d'existence de résultats officiels provisoires; etc… La matérialisation des imperfections du cadre juridique électoral a été mise en évidence lors de la dernière élection présidentielle en 2018. La proclamation des résultats de cette élection a été suivie de vives contestations et des violences ayant conduit à des morts d’homme et plus d’un millier d’arrestations.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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