ENQUETE - 10 ANS DE STOCKAGE DE 7 000 TONNES DE RIZ
10 ans de séquestration du riz dans un entrepôt au port de Douala-Bonaberi
- Le PAD pris dans l’étau d’une bataille mafieuse, perd plus d’un milliard FCFA de bail et dans les procédures judiciaires ;
- Un enjeu financier de plus de 2,5 milliards FCFA de perte brute pour l’importateur SOCiA Sarl ;
- Une bataille juridique à rebondissements ;
- Le MINADER via le poste phytosanitaire du port de Douala-Bonabéri principal bourreau ;
- Feu Prince Nasser Raoul Kemajou, le président national de l’Odhpc (Organisation des Droits de l’Homme et de la Protection du Citoyen) l’un des maillons de cette cabale ;
- Le MINADER n’a pas permis le traitement par fumigation de cette cargaison du riz pour la garder en l’état ;
- Les tentatives d’arrangement sous le Ministre Essimi Menye stoppées ;
- Le MINFI via le Chef secteur Douanas Littoral 1 fait une entrée aux allures mafieuses à la dernière minute ;
- La destination douteuse que veut prendre les 140 000 sacs de riz de 50kg supposés avariés ;
- La famille présidentielle dans la danse ;
- Un député et une société se disputent la récupération de la cargaison du riz supposé avariée ;
- L’importateur SOCIA après avoir connu une période d’impasse a repris de plus belle ses importations ;
- Sur le plan social, SOCIA a été obligé de dégraisser son personnel ;
- Ekata Mvondo, Chef de poste phytosanitaire au port de Douala-Bonanbéri, le principal artisan de cette affaire.
I- Enlèvement dans l’impase
Le Magasin 9 (ex GETMA) du port de Douala-Bonabéri n’a pas pu être libéré de ses 140 00 sacs de riz de 50 Kg chacun soit au total 7 000 tonnes qui y sont « stockés, confisqués et séquestrés » depuis le 13 février 2013 soit près de 10 ans. La Commission ad hoc de l’enlèvement de cette cargaison de riz mise sur pied par le Port Autonome de Douala (PAD) et réunissant toutes les parties prenantes : Ministère de l’Agriculture et Développement Durable (MINADER) via le Poste Police Phytosanitaire du port de Douala-Bonabéri, la Société Camerounaise des Industries Alimentaires (SOCIA Sarl), La Société Marion Paint et Services Sarl assisté de leurs conseils, des Forces de Maintien de l’Ordre (FMO), des huissiers et Experts judiciaires en avaries maritime y a effectué une descente le 5 janvier 2023 en vue de la procédure d’enlèvement de cette cargaison. Elle est consécutive aux diligences entreprises par le PAD en vue de la libération dudit magasin en vue de poursuivre son vaste programme de modernisation et rénovation du combinat portuaire qui consiste dans le cas d’espèce à la reconstruction de ses entrepôts ou magasins cales dans un délai de 24 mois comme stipule le contrat de la société turque adjudicatrice de ce chantier qui a déjà remis à neuf 03 magasins. Ce jour-là, les parties ont ouvert le magasin, effectué une expertise de la qualité actuelle de la cargaison du riz. Le rapport de la société HYDRAC va déclarer que : « l’Aliment de qualité microbiologique, non conforme aux critères testés». Réunie une nouvelle fois le 20 janvier pour finaliser la procédure de l’enlèvement, la Commission Ad hoc a fait l’amer constat que depuis lors une batterie de procédures administratives et judiciaires a été engagée, obligeant dont la suspension de ses travaux en attendant l’issue.
II- Jeu trouble du MINFI et de la Douane
C’est le cas du Ministère des Finances (MINFI) qui va entrer en jeu à travers une ordonnance du TPI de Douala-Bonanjo du 9 janvier 2023 qui autorise le Chef Secteur Douane du Littoral 1, Georges Mendounga, par ailleurs Président de la Commission ad hoc des ventes aux enchères publiques au port de Douala-Bonanbéri du stock des ses 7 000 tonnes de riz. Mais aussi, du député Mvondo Bonaventure (neveu du Président de la République) dont le Conseil, Me Guy L. Ndong va saisir le Directeur général du PAD par une correspondance du 10 janvier 2023 pour l’informer que par lettre du 19 mai 2022, du Ministre des Finances, Louis Paul Motaze a attribué à son client cette cargaison de 7 000 tonnes de riz avariées. Ceci à la suite d’une vente aux enchères procédée par le Chef secteur des Douanes du Littoral 1 depuis 2013 conformément au Code des Douanes CEMAC. « Curieux que la vente aux enchères ait eu lieu en 213 et que ce n’est qu’en 2019 que l’acquéreur est informé. Mieux encore, le tout pour une marchandise qui est depuis sous scellé depuis février 2013 », fait remarquer Me Hamza Mohamed, Conseil de SOCIA Sarl. Et d’ajouter que « Ceci à l’insu du Port Autonome de Douala qui a dans le PV de la réunion de la Commission Ad hoc du 5 janvier 2023, souligne que lors de la réunion préalable du 28 novembre 2023, la conclusion des échanges indiquent la cargaison du riz reste la propriété de la SOCIA Sarl et que l’enlèvement de la cargaison du riz par une tierce ne peut se faire qu’avec l’accord préalable du propriétaire SOCIA ». De même, la Société Marion Paint et Services Sarl présent à toutes les réunions, accompagnée de leurs conseils réclament aussi être acquéreur dudit riz.
III- Le MINADER brouille les pistes
C’est à se demander qu’est-ce qui peut justifier autant d’attraction sur une marchandise que le MINADER via le poste police phytosanitaire du port de Douala-Bonanbéri a qualifié au moment de la pose des scellés en 2013 « d’impropre à la consommation et dangereux à la santé humaine». A son tour, l’importateur, SOCIA qui soupçonne un gré à gré, a saisi le juge de référé d’heure en heure pour attaquer cette ordonnance N°022 du TPI du 09 janvier 2023. Ce qui a conduit déjà la tenue de deux audiences, les 19 et 20 janvier. «Aujourd’hui, ce n’est plus la cargaison du riz qui préoccupe la société SOCIA Sarl, mais que soit ordonné l’analyse de l’état du riz actuel pour nous permettre d’évaluer les dommages subis et établir les responsabilités», confie Me Hamza Mohamed. En effet, importée de Taiwan, et transportée dans le navire MV SKY STAR, avec une cargaison de 20 000 tonnes dont 13 000 tonnes seront débarquées au port de Lomé au Togo où ce riz a été vendu et consommé sans avoir causé un incident sanitaire connu, les autres 7 000 tonnes seront débarqués au port de Douala-Bonabéri en l’espace de quelques jour, le 9 février 2013. Après avoir effectué les cinq connaissements nécessaires et la Certification de qualité de la SGS pour sa mise progressive sur le marché camerounais, la police phytosanitaire que dirigeait M. Ekata Mvondo (frère du président) va déclarer la cargaison de riz impropre à la consommation humaine et animale. Il va bénéficier du ramdam de feu Prince Nasser Kemajou, président de l’Organisation des Droits Humaines et la Protection du Citoyen (ODHPC).
IV- Le Ministre Essimi Menye impuissant
A l’époque des faits, le Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, Essimi Menye va dans une interview accordée au Quotidien gouvernemental Cameroon Tribune déclaré : « La SGS a laissé embarquer cette cargaison en sachant que c'était un bon produit. Cela veut dire que l'Ong qui a soulevé cette polémique doit nous donner des informations sur ses capacités à certifier le contraire. Quand j'ai vu le document que le promoteur de cette Ong nous fait tenir, j'ai compris qu'il ne connaissait même pas l'origine de la cargaison ». La contre-expertise faite dans les laboratoires de l’Université, de la SGS sont restés sans suite. C’est alors que l’armateur va saisir le TPI de Douala-Bonanjo pour obtenir la désignation de trois autres cabinets d’expertise : - Fabrice Levesque installé à Rouen en France, et les cabinets camerounais Amara et Sonia. Les résultats de leurs analyses attestent que « le riz est bon à la consommation humaine, mais que cependant lors du transport il y a une infime partie de la cargaison qui a été avariée parce que touché par de l’eau. Une fois de plus, le MINADER via le service phytosanitaire du port de Douala-Bonanbéri va saisir en opposition le tribunal pour faire annuler le rapport d’expertise. Le juge se déclare incompétent. La société SOCIA Sarl se lance alors dans des démarches visant à rentrer en possession de sa cargaison de riz, mais elle va s’essouffler lorsqu’une correspondance du Secrétaire général des Services du Premier Ministre adressée au MINADER demandant de détruire ce riz leur sera brandie. Or, tous les acteurs du secteur sont unanimes qu’avant d’arriver à la destruction du riz, il faut s’assurer qu’il est impropre à la consommation humaine, la consommation animale ou ne peut pas être utile pour fabriquer de l’engrais ou la provende..
V- SOCIA Sarl et le PAD perdent plus de 4 milliards FCFA
Les dirigeants de la SOCIA Sarl sont convaincus que leur cargaison de 7 000 tonnes du riz a été l’objet d’une cabale mafieuse. Car ce riz pouvait être maintenu à son état initial s’il avait subi le traitement nécessaire. «Le riz peut être stocké pendant 15 ans dans un magasin fermé pourvu qu’il soit traité ou subir une fumigation régulière. Toute nos correspondances envoyées au MINADER pendant toutes ses années pour nous permettre ou leur rappeler de la nécessité de procéder à ce traitement sont restées lettres mortes », confie un responsable administratif. Ce qui conduit, au regard de la dernière analyse microbiologique à d’énormes préjudices. Sur le plan financier à une perte de plus de 2,5 milliards FCFA si on tient compte du coût du sac de 50Kg qui était de 15 000 FCFA et aujourd’hui à plus de 3 milliards FCFA avec le coût du sac de 50Kg qui est passé à 22 000 FCFA. A cela il faut ajouter les charges des procédures engagées depuis tout ce temps. Sur le plan social, le dégraissage du son personnel a été obligatoire, ceci du fait des difficultés financières auxquelles elle était confrontée à l’époque. Le PAD n’est pas en reste, puisqu’il estime les pertes locatives à plus d’un milliard FCFA auxquelles il faut ajouter les frais des procédures judiciaires en instance. Ce qui justifie que dans le PV suscité de la Commission Ad hoc d’enlèvement, les deux parties ont convaincu désiste réciproquement des procédures judiciaires engagées. Sur le plan moral, l’image de la société SOCIA Sarl a été sérieusement écornée et qu’il a fallu d’énormes sacrifices (humains, financiers, communicationnels) pour remonter la pente. Ce qui a permis à la société SOCIA de ne pas arrêter d’importer, voire de les multiplier.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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