ELECTION AU GECAM
La première Assemblée générale élective du Groupement des Entreprises du Cameroun est convoquée pour le 9 avril 2024 à Douala. Fils d’une fusion contestée et contestable entre le GICAM et ECAM, est présenté comme la seule alternative pour un patronat uni et plus fort. A cet effet, les observateurs avertis attendent de voir si le quota de participation atteindra les 1000 entreprises. Auquel cas, cela donnera raison aux adversaires qui continue à voir en ce projet d’unification du patronat de l’esbroufe.
Le compte à rebours est entré dans sa dernière ligne droite. L’Assemblée générale élective du Groupement des Entreprises du Cameroun (GECAM) est convoquée le 9 avril 2024. Une seule liste en lice. Celle conduite par Célestin Tawamba, le président sortant du GICAM dont la limite de mandat était arrivée statutairement à terme en décembre 2023. Confirmant les accusations de tous ceux qui y voyaient une entourloupette pour se maintenir, en embarquant la plus puissante et plus audible organisation patronale vers une fusion-création aux forceps. Suscitant de vives contestations, une désagrégation dudit patronat, et une perte de la flamme organisationnelle au sein des chefs d’entreprises. Surtout que les discours dissonants appellent les anciens membres du GICAM à rester solidaire de l’avis du Comité des sages. «Nous appelons les uns et les autres à conformer leur conduite et leurs actes à notre loi commune», déclare Emmanuel Wafo, ancien président de la Commission économique. La légitimité et la légalité du GECAM restent très fragiles puisque des procédures restent pendantes devant les juridictions pour remettre en cause la constituante qui lui a donné naissance. «Nous voulons préciser ici que les démarches judiciaires en cours ont été engagées avec pour seul et unique objectif de faire manifester la vérité. Nous n’y avons ni renoncé, ni désisté» persiste E. Wafo. En attendant de savoir si ces procédures vont prospérer, le GECAM poursuit allégrement sa structuration avec l’élection de son premier Conseil d’administration et par ricochet de son premier président dans les prochains jours.
A vaincre sans péril,….
Incontestablement, les dix-huit membres de la liste : «Le GECAM pour une fondation en béton» seront élus comme une lettre à la poste. Et sa tête de liste, Célestin Tawamba, sera portée à la présidence de cette nouvelle organisation patronale qu’on veut unifiée pour conduire aux destinés de sa première mandature. Au sortir de ce scrutin, on ne sera pas loin d’affubler aux vainqueurs cette assertion : «A vaincre sans péril, on finit par triompher sans gloire». Car les adversaires n’y voient préalablement aucun mérite. Tant, les comparses de cette mise en scène sont accusés d’avoir manœuvré pour qu’aucune liste rivale ne prospère. Toutes les tentatives visant à vernir ce processus d’un jeu démocratique transparent et équitable auraient été vouées aux gémonies. Comme si tout a été taillé à la mesure du président sortant du GICAM pour qu’il s’éternise à la tête d’une organisation patronale qu’on veut sérieuse pour des fins inavouées. «L’ancien Président du GICAM est en passe de se faire élire dans une manœuvre dont lui seul à le secret. Il a œuvré comme un diable pour éliminer toutes les voies qui se sont opposées à son règne éternel à la tête du patronat. Dans une manœuvre digne de celle d’un autocrate, il a veillé et œuvré d’arrache-pied pour éloigner de lui toute dissidence», a souligné Pierre Ndansa Peko.
Donnant ainsi raison à la faction «sauvons le GICAM» composée des membres foncièrement opposés à la fusion-création GICAM-ECAM. Conséquence, le patronat s’est désagrégé et la culture patronale a pris du plomb dans l’aile. Plusieurs ont décidé de se mettre en marge de toute dynamique et d’autres ont décidé de rentrer animer les organisations patronales sectorielles. C’est le cas des dirigeants du Syndicat National des Industriels du Cameroun (SYNDUSTRICAM), la première organisation patronale créée en 1950, qui avaient décidé pendant longtemps de se fondre dans le GICAM et faire porter ses acticités par ce patronat leader dont il était l’une des puissantes organisations patronales corporatistes. Désormais, le SYNDUSTRICAM a décidé de faire cavalier seul. Le 28 mars 2024, ces dirigeants, Samuel Njanga Kondo et Emmanuel Wafo sont allés à la rencontre des responsables de la BEAC pour porter les revendications qui ralentissent la relance industrielle. Pour sa part, l’ancien porte-parole, du Président du GICAM, Me Jacques Jonathan Nyemb, dit avoir rassemblé 300 chefs d’entreprises dans le Think Do Thank pour une réflexion profonde sur le patronat de demain. Ils ont arrivé à la conclusion que : «Notre patronat doit changer de paradigme pour gagner le combat contre la vie chère, le sous-emploi ou encore l’insécurité alimentaire, et devenir un véritable levier de la transformation structurelle de notre économie».
La représentativité
C’est dire que l’enjeu du scrutin du 9 avril 2024 ne sera pas le résultat mais la représentativité des chefs d’entreprises pour évaluer réellement si cette fusion est réelle ou fictive. Au lendemain des Assemblées générales de juillet 2023, Célestin Tawamba soulignait que «La notion de représentativité devient un enjeu majeur dans la démarche patronale» de cette fusion-création décidé par la majorité. A cet effet, rappelons que le GICAM réclamait 1 000 membres et ECAM 400 membres. Si le «Oui» de la fusion-création avait obtenu au GICAM 241 voix soit 73,23% et avait rassemblé uniquement 329 votants, cela pose un véritablement défi pour l’avenir du GECAM. Alors que, à ECAM le «OUI» avait obtenu 96,72%. Au regard de ces scores, Célestin Tawamba souligne dans sa profession de foi que le GECAM est le fruit d’«une unité réalisée». Ce qu’il faudra prouver par une très forte participation d’au moins 1 000 chefs d’entreprises – membres le 9 avril 2024. Certes, cela sera toujours insignifiant pour un tissu économique qui compte près 370 000 entreprises dont 99% sont des TPE et PME. Surtout que pour la tête de liste : «Le GECAM pour une fondation en béton» se gargarisait en ces termes : «le mois de juillet [2023] a vu l’un des pas les plus importants de la dynamique patronale au Cameroun» se mettre en marche. Et d’ajouter : «En décidant de se mettre ensemble pour la cause patronale les deux principales organisations patronales du secteur privé ont marqué… le choix courageux qu’ensemble nous avons fait de construire une centrale unifiée, originale et dynamique dans laquelle cohabitent les TPE, PME, GE, et TGE, nous impose d’inventer de nouvelles matières et outils pour aborder la problématique de nos adhérents».
Des échos qui nous parviennent, la fracture est grande. L’espoir porté par la fusion-création GICAM–ECAM qui a donné naissance au GECAM n’a pas suivi la promesse des fleurs. «L’unité que vient consacrer la fusion» comme le claironnait Célestin Tawamba au lendemain des votes de la fusion-création dans ses deux organisations patronales, doit se matérialiser par une très forte adhésion et par ricochet une très forte mobilisation. Des discrétions font état de ce que les adhésions au GECAM ne suivent pas. Malgré les démarches de charmes «aux allures de pression et de chantage». Ce qui explique une campagne de communication engagée dans les médias depuis quelques jours maximiser la participation. Malheureusement le désamour est grand. Plusieurs membres du GICAM estiment qu’ils ont été floués. Emmanuel Wafo de rappeler que : «Vous vous rappelez que les mêmes acteurs, suite à leur incapacité de monter une liste pour challenger légalement en 2008, à l’effet de prendre la tête du GICAM, avaient entrepris de créer un mouvement patronal. Vous savez très bien que cette montagne avait finalement accouché d’une souris. Le président actuel avait dû rebrousser chemin, et les portes de la maison GICAM ne lui avaient pas été fermées». Et le front «Sauvons le GICAM» de souligner qu’alors qu’il était favorable pour une fusion-absorption, on leur a sortie dans un coup de Trafalgar une fusion-création. «Pour l’heure, je peine encore à voir en quoi la nouvelle structure serait garante du renforcement de l’unicité et de l’efficacité du patronat camerounais», affirme Jacques Jonathan Nyemb. Ce sentiment largement partagé se traduit par la réticence de plusieurs organisations sectorielles en dépit de la promesse du seul candidat en lice pour la présidence de leur rassurer : « La démocratie associative sera un marqueur de notre méthode». Pour le faire mentir, son ancien porte-parole au GICAM s’interroge : «Comment expliquer alors qu’on puisse exclure à tour de bras pour éviter tout débat transparent et contradictoire ?» Rendez-vous le 9 avril pour apprécier la force de la représentativité qu’aura consacré la fusion-création.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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