MEUTRE DE TANG NDJOCK JUSTE MAJOIE
Décédé dans les conditions troubles dans la cellule de la Brigade de Gendarmerie de Pouma dans la nuit du 20 au 21 juillet 2021, le procès du jeune Tang Ndjock piétine au Tribunal militaire de Douala. Mais lors de l’audience du 24 février 2023, il a connu un rebondissement retentissant. Le médecin ayant établi le certificat du genre de mort a fait des révélations fracassantes. Révélant que les causes de la mort préalablement indiquée ont été tronquées sous contrainte.
L’audience du 24 février 2023 au Tribunal militaire de Douala a permis de faire entendre des témoins de l’affaire. Notamment, le médecin de l’Hôpital de District de Pouma qui a signé le certificat du genre de mort et de la compagne du défunt qui est à l’origine des plaintes qui ont conduit à l’interpellation du père de ses enfants. Dans une attitude toujours de réserve, de frilosité et de peur, le médecin de l’Hôpital de District de Pouma qui a établi le certificat du genre de mort va revenir sur les causes qu’il avait inscrites sur ce document médical. Où on pouvait lire que la victime Tang Ndjock Juste Majoie a été conduite à lui vivant et souffrant d’un malaise issu d’un antécédent de santé. Et que c’est pendant qu’il lui administrait les soins appropriés qu’il est décédé. Dans sa rétractation, il va finalement avouer que c’est le cadavre qui a été transportée à l’hôpital. Confirmant la thèse de la famille qui n’a de cesse à soutenir depuis le premier jour que leur enfant est mort pendant sa détention des suites de tortures. Ca d’autant plus que le corps sans vie de leur enfant présentait des traces de sévices corporels. Pour justifier cette faute professionnelle, lui qui a prêté le serment d’Hippocrate, il va arguer qu’il était quasiment sous la menace des quatre éléments de la gendarmerie nationale qui ont conduit la dépouille à la morgue et de leur commandant qui lui a demandé au téléphone cette faveur.
Quant à sa compagne, Ngo Makon Josiane avec laquelle, Tang Ndjock a cinq (5) enfants, et était en bisbille depuis quelque temps, elle déclare qu’à la suite de leurs démêlés, elle avait déposé quatre plaintes, dont l’une pour enlèvement d’un de leur enfant qu’il avait fait déporter depuis quatre mois pour une destination inconnue et l’autre pour avoir récolté à son insu une cargaison du manioc qu’elle avait semée. A la suite de son interpellation, l’enquêteur va lui remettre quatre (4) sacs de maniocs supposés être la cargaison retrouvée. Or la revendeuse chez qui Tang Ndjock avait vendu la marchandise, déclare que les gendarmes avaient récupéré huit (8) sacs de maniocs au moment de leur interpellation. Pour la compagne, dès qu’elle est entrée en possession, elle s’est aussitôt rendue à Douala, au marché de Logbaba où elle a écoulé les quatre sacs pour la somme de soixante mille (60 000) francs CFA. Et que c’est au petit matin que Mme le Commandant et l’enquêteur Okala vont l’appeler et lui demander de revenir rapidement, sans lui donnait les raisons de cette obligation de se présenter de toute urgence. C’est lorsqu’elle arrive dans la ville qu’elle entend courir la nouvelle selon laquelle, le père de ses enfants Tang Ndjock Juste Majoie était décédé pendant la garde à vue dans la cellule de ladite Brigade de gendarmerie.
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Après ces dépositions, Mme le juge va renvoyer l’affaire pour le 07 mars 2023 pour comparution du médecin Chef de l’hôpital de District de Pouma dont les différents rapports étaient contradictoires et Mme le Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Pouma qui a été citée par le médecin qui a accueilli la dépouille. Pour comprendre, cette affaire, il faut remonter au mois de juillet 2021. Lorsque feu Tang Ndjock Juste Majoie avait été convoqué à la Brigade de gendarmerie de Pouma suite à une plainte déposée par la mère de ses enfants avec qui il vivait dans la concession familiale. Ainsi, ne s’étant pas présenté à la première convocation, le gendarme Okala, Maréchal des logis-chef, en fonction dans cette unité de gendarmerie de Pouma au regard de sa proximité avec la mère des enfants du défunt, se chargera de faire interpeller sieur Tang Ndjock Juste Majoie le 20 juillet 2021 à la suite de l’information que la mère des enfants donnera, selon laquelle, il était en route pour aller vendre le manioc qu’il avait récolté dans le champ qu’ils ont mis en valeur tous les deux. C’est alors que le défunt sera happé à l’entrée du domicile de la dame, revendeuse, chez qui, il allait livrer le manioc. Les deux éléments de la Gendarmerie nationale commis pour cette interpellation vont conduire manu militari Tang Ndjock et la receleuse dans le pick-up de la Brigade de gendarmerie de Pouma.
C’est ainsi que le Marchal de Logis-chef, Okala se chargera d’entendre les prévenus. Il s’en suivra une confrontation avec la mère de ses enfants. «Dans un interrogatoire déséquilibré » affirme Me Charlotte Tchakounté, Conseil commis par l’Ong Un Monde avenir pour défendre les intérêts des parents du défunt, l’enquêteur mettra tout à la charge de Tang Ndjock. C’est ainsi qu’une partie de la cargaison de maniocs, quatre sacs sur les huit récupérés seront restitués à sa compagne. La revendeuse sera relâchée le même jour autour de 22 heures, après avoir essayé de conditionner sa libération. En revanche, Tang Ndjock Juste Majoie sera placé en garde à vue où il va trouver miraculeusement la mort dans la nuit. Ce n’est que dans la matinée que la famille apprendra des habitants du village qu’ils ont vu le pick-up de la Brigade de gendarmerie de Pouma devant la morgue de l’Hôpital de District de Pouma le 21 juillet 2021 aux environs de minuit.
Pour la famille, il ne fait pas de doute au regard des traces de sévices corporels que la dépouille de leur fils présentait qu’il avait succombé de la torture dont il avait subi. Pis encore, elle s’étonne que la dépouille de leur enfant ait été gardée à la morgue de la ville de Pouma par les gendarmes de garde, sans toutefois informer la famille du défunt. Le ramdam que va susciter cette affaire, va obliger la Compagnie de Gendarmerie d’Edéa, ainsi que la Légion de Gendarmerie du Littoral de se saisir de cette affaire. Une autopsie de la dépouille a été prescrite dans le cadre des enquêtes. Les conclusions de l’autopsie n’ont toujours pas été remises à la famille du défunt. La procédure judiciaire ouverte avait permis dans un premier temps de convoquer, en décembre 2021, la famille du défunt et des autres habitants du village au Tribunal militaire de Douala. Après les dépositions faites lors de l’enquête préliminaire, le Tribunal leur avait demandé de rentrer attendre les notifications des convocations à comparaitre en janvier 2022. L’affaire a enfin été enrôlée le 6 septembre 2022. La famille de la victime n’a pas été notifiée à comparaitre, l’affaire a été renvoyée au 4 octobre 2022, pour la mise en état du dossier. Advenue à cette date, l’affaire a été renvoyée au 1er Novembre 2022, pour convocation des prévenus (éléments de la gendarmerie nationale) qui comparaissent curieusement toujours libres. L’affaire régulièrement appelée le 1er novembre 2022, les prévenus ne s’étant pas présenté, l’affaire a été renvoyée au 6 décembre 2022, pour nouvelle convocation des prévenus. Qui sont curieusement toujours libres. A cette audience, trois des cinq prévenus s’étant présentés, l’affaire a été renvoyée au 7 février 2023, pour convocation des deux autres prévenus et ouverture des débats. « Au regard des multiples renvois pour cause d’absence des prévenus [Ndlr : les gendarmes) poursuivis, l’affaire Tang Ndjock Juste Majoie constitue un cas de violation de droit de l’homme », indique les rapports sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun de 2021 et 2022. Cette affaire est similaire à celle survenue à Loum l’année dernière et avec quasiment les mêmes procédés de dissimulation des causes du décès. Curieusement le Tribunal militaire ne s’est toujours pas saisi de cette autre affaire d’« homicide involontaire »
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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