DEMOLITION DE YASSA
Dans une opération aux allures mafieuses, une escouade de la Police municipale de la Communauté Urbaine de Douala appuyée par des éléments de la Gendarmerie nationale ont le 10 juin 2024 aux environs de sept heures, mené une opération de démolition qui visait prétendument les occupants du domaine public routier de l’Etat pour glisser dans un déguerpissement des habitations sur un litige foncier. Bilan, plus de 200 personnes jetées dans la rue.
Au lieu-dit Yassa (face Brigade de Gendarmerie entre la Grotte de Yassa et OASIS Motor) dans l’Arrondissement de Douala 3è en contrebas de la pénétrante Est de la ville de Douala, en plein chantier de construction, sur une bande de près de 400 m, longeant le domaine public routier et sur profondeur de 300m, des commerces et des habitations ont été rasés par une pelleteuse de la Communauté Urbaine de Douala (CUD) dans une violence inouïe et sous une adverse matinale qui ont plongé les sinistrés dans un désarroi et une déshumanisation sans précédents. Impuissants, les propriétaires et occupants des édifices détruits ont vu leurs patrimoines écrabouillés par l’engin déployé sous un cordon sécuritaire d’une escouade des éléments de la Police municipale appuyés par les éléments de la Gendarmerie nationale. C’est dans un cortège de pleurs et de larmes que les parents (hommes et femmes) ont été rappelés en catastrophe après avoir quitté leur domicile aux premières heures de la matinée pour vaquer à leurs occupations professionnelles quotidiennes. «J’ai construit progressivement au bout de quatre ans un snack-bar-motel-cabaret avec un orchestre neuf qui a été rasé sans que je ne puisse rien récupérer. Mon voisin qui est un opérateur économique connu dans le transport interurbain a vu sa mini-cité de 14 studios flambant neufs et pas encore occupés être aussi écrasés sans ménagement. Tout comme cette école primaire où la majorité des enfants de ce quartier et ses environs fréquentaient. J’espère que les auteurs seront condamnés et nous subirons réparation dans les plus bref délais», confie Djoumessi Gabriel.
Dix jours plus tard, le site n’est plus qu’un champ de ruine aux allures d’un quartier ukrainien où s’est abattu les missiles de l’armée russe. Sur les 200 personnes jetées dans la rue, ceux n’ayant pas où aller, près d’une centaine de personnes (d’hommes, femmes et enfants) continuent de dormir sur le site où il ne reste que des décombres et d’amas de béton. Les uns ont construit des hangars ou des cagibis de fortune avec des voliges ramassés sur les décombres et d’autres se sont réfugiés dans une promiscuité insoutenable chez les voisins ou dans une église de réveil jouxtant. «J’étais déjà parti au travail et madame à son commerce, lorsque nous avons été appelés par les voisins de rappliquer rapidement au quartier où nos maisons étaient en train d’être écrasées par le Caterpillar de la CUD sous l’encadrement de près de 200 Gendarmes et éléments de de la Police Municipale de la Communauté Urbaine de Douala qui encerclaient le site. Au final, comme moi plusieurs autres n’ont pas pu récupérer une seule aiguille et je n’ai où aller pour l’instant. Je suis contraint de dormir sur ses décombres avec mon épouse et mes trois mioches», relate Achille Kegoum. Parmi les sinistrés, le Directeur du Génie Militaire, Colonel Jackson Kamgaing. Heureusement sa parcelle n’était pas encore bâtie. Avec trois autres bénéficiaires d’un arrêté du MINDCAF d’occupation de l’emprise publique routier contre paiement d’une redevance foncière annuelle, ont introduit un recours gracieux en urgence le même jour des démolitions. Elle a abouti le 11 juin à la demande auprès du Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières (MINDCAF) à une décision du Préfet du Wouri d’arrêt de tous les travaux sur le site querellé.
Surtout que la partie belligérante qui est représentée par sieur Tsemo André avait dès le lendemain entrepris les travaux de sécurisation du site. Ce qui fait dire aux sinistrés, au regard des confidences recueillies de la part de certains cadres de la CUD que leur adversaire qui n’a aucune mise en valeur sur le site s’est appuyé frauduleusement sur des collaborateurs du Maire de la ville de Douala pour commettre leur forfait. Partant des cinquante de sommations de la CUD adressée en avril 2024 aux occupants du domaine public routier sur cette zone de Yassa qui a fini par démolir simplement une demi-dizaine des concernés, pour chercher à s’accaparer un domaine de près de 1,2ha qui englobe le domaine public routier, une zone traversée par la haute tension et une emprise du drain. Ceci, afin de le vendre à certains prédateurs fonciers dont l’un a été identifié en la personne du propriétaire de la chaine des boulangeries Saker. Il aurait déboursé près de 60 millions de FCFA susurrer-t-on pour engraisser le circuit afin de lui permettre d’ériger une boulangerie sur cette zone stratégique et à certains autres acquéreurs qui choisissaient pendant la casse, les parcelles qui les conviendraient pour s’y installer. Laissant dubitatif sur le rôle trouble joué par la Direction de la Police Municipale (DIRPOM). «Comment comprendre que sur un linéaire de plus d’un kilomètre de croix de Saint André concernant les occupants du domaine public routier qui part du carrefour Yassa…, seule sur une zone circonscrite de 300 m où M. Tsemo André est dans un litige foncier avec les occupants que la CUD a décidé de démolir ?» s’interroge M Mboua. A en croire, certaines confidences, et confirmé par l’exaspération du Premier adjoint préfectoral, lors de la réunion convoquée le 18 juin 2024 à la demande du MINDCAF, M. Tsemo André avait été sermonné sur cette entêtement d’engager cette casse contre l’avis du Préfet du Wouri qui avait réitéré la veille sa décision de surseoir à la réquisition qu’il avait signée. Les sinistrés qui sont convaincus de l’illégalité de cette opération de démolition attendent réparation des auteurs. Auquel cas, ils ont décidé d’user de toutes les voies de droit pour faire entendre raison à tous ceux, qui ont de près ou de loin été complices de cette mafia qui les a déshumanisé.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
Laisser un commentaire et Abonnez-vous .
Comments