AFFAIRE GLENCORE
A la suite de la première audience tenue le 10 septembre 2024 au tribunal de Westminster de Londres, l'affaire a été transférée à la Cour de la Couronne de Southwark, où elle devrait être convoquée le 8 octobre prochain. Aussitôt, la Société Nationale des Hydrocarbures sur laquelle pèsent de forts soupçons des dirigeants ayant eu des accointances de corruption avec des responsables de GLENCORE s’est fendu d’un communiqué alambiqué qui a obligé le bâtonnier Me Akere Muna de faire une sortie pour éclairer les Camerounais sur l’un des plus gros scandale mondial du siècle.
Le procès ouvert le 10 septembre 2024 au tribunal de Westminster à Londres fait suite à l’autorisation donné le 14 juin 2024 par le Président de la République, Paul Biya au Ministre des Finances, Louis Paul Motaze afin de relancer la procédure judiciaire auprès de la Chambre de la justice Britannique de lutte contre les fraudes, la corruption et le blanchiment d’argent, Serious Fraud Office (SFO). Elle-même faisant suite à un combat acharné, mené depuis 2022 par le Bâtonnier, Me Akéré Muna afin que la lumière soit faite sur le cas des transactions pétrolières menées entre GLENCORE et les entreprises publiques et parapubliques camerounaises, comme cela a été le cas dans les autres pays où les noms des fonctionnaires qui ont dealé avec les responsables du Trader suisse dans ce qui apparait comme l’un des gros scandale de corruption du siècle, ont été divulgués. Au sortir de cette première audience où tous les Camerounais étaient tout ouïs, l'Administrateur Directeur Général (ADG) de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) a commis un communiqué avec célérité le même jour, pour indiquer que ce procès qui concerne six (06) des dirigeants et employés de la multinationale GLENCORE, est suivi de très près par leurs soins. Alors que ledit communiqué affirme qu’à cette première audience du Tribunal de Westminster de Londres, «celui-ci s'est déclaré incompétent au regard de la gravité des charges et a renvoyé l'affaire devant la Southwark Crown Court, et prononcé la liberté sous caution des six prévenus», Me Akere Muna de corriger que : «Le tribunal ne s'est pas déclaré incompétent. Au lieu de cela, il a identifié les six personnes accusées et leur a permis de rester libres sans aucune condition». Et de poursuivre que : «Le tribunal s'est assuré que toutes les parties comprenaient les faits et les accusations présentées. Il a ensuite informé les parties qu'en raison de la gravité des infractions, l'affaire serait transférée à la Cour de la Couronne de Southwark, où elle devrait être convoquée le 8 octobre» prochain.
Jeu de ping-pong
Il va préciser que, si le tribunal se déclarait incompétent, il n'aurait entendu aucune partie de l'affaire, encore moins procédé au transfert de l'affaire à un autre tribunal tout en fixant une date et une heure. «Le magistrat effectuait des fonctions semblables à celles d'un juge de mise en état, en droit français». Et d’expliquer qu’à Southwark crown Court «les accusés seront inculpés». Toutefois, à au tribunal de Westminster, certains accusés à l’instar d’Alex Beard et un autre ont indiqué qu'ils plaideraient non coupables le moment venu. Alors qu’on apprend aussi que l’un des six accusés auraient avoué qu’il détient les noms des personnalités camerounaises qui ont été corrompues. Ce qui fait monter la pression au sein des dirigeants des sociétés SNH et SONARA qui sont celles en charge de la vente du pétrole brut produit au Cameroun et de l’achat du pétrole acheté pour être consommé au Cameroun. La preuve, SNH qui faisait de sa gestion un secret d’Etat, ne cesse de multiplier les communiqués explicatifs les unes des autres. On apprend ainsi du dernier communiqué de la SNH qu’après la condamnation de GLENCORE en novembre 2024, elle avait demandé à ce Groupe la communication des noms de ses agents qui seraient mêlés dans cette affaire, mais, GLENCORE avait opposé un refus à cette requête, prétextant une «clause d'anonymat» conclue avec le Serious Fraud Office. Et d’ajouter que : «Depuis la révélation de cette affaire, en mai 2022, la SNH a gelé toutes ses activités avec Glencore, aussi bien dans le domaine de l'exploration/production qu'au plan commercial». Me Akere Muna soutient que la SNH semblait surfer sur les différents accords de confidentialité signé avec GLENCORE pour que ne soient pas divulguer les noms de leurs employés corrompus. D’ailleurs, elle avait plutôt présenté une défense pour le compte de GLENCORE, affirmant que ce dernier ne pouvait pas divulguer les noms en raison d'un accord supposé avec le Serious Fraud Office (SFO) qui les empêche de fournir des informations.
Panique chez les potentiels corrompus
A contrario, Me Akere Muna précise que GLENCORE est lié au Ministère de la Justice des États-Unis par un accord de plaidoyer (article 12) qui les oblige à répondre à toutes les questions posées par les autorités chargées de l'enquête dans quelques pays que ce soit même si c’est au Cameroun. Cette obligation prend fin l'année prochaine. «Ce qui peut expliquer les tactiques de dilatoires évidentes présentement déployées» par la SNH argue le Bâtonnier Akere Muna. Curieusement, lorsque l’affaire éclate, tous les hauts dirigeants de GLENCORE et les membres du Conseil d'administration sont licenciés en 2019, mais il faut attendre juin 2023 pour que la SNH prétende s’être engagée à faire la lumière dans cette l’affaire. Pourtant, c’est en mai 2022 que l’affaire va connaitre une forte médiatisation et s’en suivra la condamnation de GLENCORE en début novembre 2022. A cette autre assertion, la SNH va soutenir que depuis la révélation de cette affaire, en mai 2022, elle a gelé toutes ses activités avec GLENCORE, aussi bien dans le domaine de l'exploration/production qu'au plan commercial. Me Akéré Muna met des réserves sur cette mesure coercitive prise contre GLENCORE, qui, même si elle existe n’a jamais été su. Surtout que depuis l'année dernière, l'EITI demande à SNH de divulguer toutes les mesures prises contre GLENCORE, en vain. Entre autre conséquence, depuis le début d’année, le Cameroun est suspendu de l’EITI. Malgré cela, même lors du dernier Conseil d’Administration tenu en session extraordinaire à la présidence de la République, GLENCORE n'a même pas été évoqué. Mieux encore, Me Akere Muna s’étonne aussi que la SNH n'ait pas profité pour engager une simple procédure judiciaire devant les autorités compétentes. Peut-être pour rester logique avec elle-même, qui avait indiqué dans un communiqué de mai 2022 ne pas se reconnaître dans les révélations faites, même si elle affirme avoir saisi les autorités américaines et britanniques pour comprendre les fondements de telles allégations.
Aveu tacite
Toujours est-il que lorsque le Trader suisse plaide coupable, devant les juridictions britanniques où il écope et une amende consentie de près de 400 millions de dollars (environ, 2 200 milliards de FCFA), il sera condamné à verser la somme de 1,5 milliard de dollars (environ 825 milliards de FCFA) aux gouvernements de trois pays, dont les Etats-Unis, le Brésil et le Royaume-Uni. D’autres pays africains qui avaient engagé les procédures similaires contre GLENCORE à l’instar de RD du Congo, un des pays visés par la plainte, avait également perçu des dommages et diverses pénalités pour un total de plus de 210 millions de dollars (environ 115,5 milliards de FCFA). C’est à l’issu de cette procédure en cours que le Cameroun peut aussi bénéficier des amendes que GLENCORE devraient payer en plus certainement d’un redressement fiscal-douanière que devrait effectuer le Ministère des Finances à travers ses directions concernées. En tout état de cause, GLENCORE a admis qu’entre 2006 et 2014, elle avait, par l'intermédiaire de l’une de ses filiales, utilisé un montant total de 21 millions de dollars (11,5 milliards de FCFA) pour, au moins en partie, payer des officiels du gouvernement camerounais dans le cadre de transactions pétrolières avec des entités publiques ou parapubliques, en l’occurrence la SNH et la SONARA. Elle a également admis avoir réalisé un gain de 67 millions de dollars (environ 36,85 milliards de FCFA) sur ces transactions illicites. Et la SNH qui s’est depuis quelque temps ravisée au regard des premières déclarations de mai 2022, affirme que : «Les actes de corruption pour lesquels GLENCORE a été condamnée par jugement définitif de la Southwark Crown Court de Londres en date du 03 novembre 2022, portent sur la période allant de 2012 à 2015, en ce qui concerne le Cameroun». Un aveu tacite lorsqu’on sait que Me Akere Muna a présente déjà un tableau présentant certains retraits d'argent de 2012 à 2014 de la caisse suisse de GLENCORE, ainsi que les justifications commerciales qui ont été fournies, en relation avec le Cameroun. GLENCORE reconnait que ces transactions financière étaient fictives.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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