TORTURE DE LONGUE LONGUE
Accusée de jouer au ponce-pilatisme avec l’Etat du Cameroun qui est à l’origine de son émanation, la Commission des Droits de l’Homme de Cameroun a dans une correspondance interpellé le Ministre Délégué à la Présidence de la République chargé de la Défense afin que les résultats de l’enquête ouverte par ses soins soient connus avant le 13 novembre 2024. Car le Gouvernement de la République joue gros au niveau des instances internationales à l’instar du Comité de lutte contre la torture qui tient sa 81è session du 28 octobre au 22 novembre 2024. Et au cours duquel, l’Etat du Cameroun doit montrer que tous les cas de tortures enregistrés dans les unités des Forces de Défense et de Sécurité ne sont pas restés impunis.
Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux où on aperçoit l’artiste musicien camerounais Longue Longue de son vrai nom Simon Longkana Agno en train subir une séance de torture et de traitements dégradants dans les locaux de la Sécurité Militaire (SEMIL) Antenne du Littoral qui date de 2019 et dans laquelle sont mis en cause les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) Camerounaises, a suscité une onde de chocs et des réactions diverses et variées ont suivi, allant pour la plupart dans le sens de la condamnation. Les leaders des partis politiques, les leaders d’opinions, les organisations de défenses des Droits de l’Homme, la famille des artistes et les médias en ont fait un ramdam sans autre pareil pour dénoncer le caractère inhumain, le recul de la démocratie en construction, et la violation des libertés fondamentales. Ce d’autant plus qu’à l’époque des faits, les raisons de son interpellation étaient liées à en croire la victime avec une de ses sorties vidéo, largement diffusé sur les réseaux sociaux où prenant un vilain plaisir de jouer les influenceurs, soutenait dans l’ambiance de la crise post-électorales de l’élection présidentielle 2018, que c’était le candidat Maurice Kamto qui l’avait emportée contrairement à la décision sans autre possibilité d’appel de la Cour constitutionnelle qui avait déclaré Paul Biya vainqueur. Un soutien au candidat du MRC dont il avait rejoint l’équipe de campagne 48 heures avant le scrutin, à la suite du désistement de son principal candidat Me Akere Muna au profit de Maurice Kamto. « Ces faits suscitent de vives inquiétudes sur la protection des droits de l’Homme au Cameroun d’autant plus qu’ils mettent en causent des personnes en charge de la protection et de la sécurité des citoyens », soutient le Communiqué de l’Ordre des Avocats du Barreau du Cameroun. Avant de poursuivre : « Le Barreau du Cameroun condamne avec la dernière énergie et en des termes plus fermes ces actes de barbaries constitutifs de torture commis en totale violation avec les lois et les conventions internationales en vigueur au Cameroun ». Et va par la suite, appeler « les pouvoirs publics à prendre promptement des mesures pour mettre aux arrêts les auteurs de ses actes afin qu’ils soient traduits en justice et répondent des faits de torture et d’atteinte de l’image de l’Etat du Cameroun ».
Dans le même élan, la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC) sans avoir publié un communiqué de condamnation a subrepticement adressé une correspondance au Ministre Délégué à la Présidence de la République, chargé de la Défense dont nous avions pu avoir copie, pour demander que les résultats de l'enquête ouverte par ses soins soient connus avant le 13 novembre 2024. : « [Que], le Ministre de la Défense communique le plus tôt possible sur cette affaire, en indiquant les mesures prises pour : - Identifier et sanctionner les coupables et leurs complices; - Indemniser promptement la victime à hauteur du préjudice et des dommages subis ». Parce que le Gouvernement de la République jour gros dans cette affaire. Il va justifier l’urgence des résultats des enquêtes ouvertes par le fait que : « La diffusion de cette vidéo dont les faits remontent à 2019 ne résulte pas du hasard, car ses instigateurs sont certainement informés du passage de l'État du Cameroun devant le Comité Contre la Torture les 13 et 14 novembre 2024, à l'occasion de sa 81è session de son Assemblée générale prévue du 28 octobre au 22 novembre 2024 ». Et afin de montre à suffire les enjeux, le président de la CDHC, Pr James Mouangue Kobila d’expliquer que la circulation de cette vidéo dont les médias internationaux se sont aussitôt saisis, arrive dans « un contexte où le Cameroun se prépare à soumettre à nouveau son dossier en vue de sa réadmission au bénéfice de l'African Growth and Opportunity Act (AGOA), dossier pour lequel la partie américaine demande itérativement à l'occasion des deux (2) dernières visites de hauts responsables de l'Ambassade des États-Unis à la CDHC des preuves, voire des listes des éléments des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) sanctionnés pour des faits de torture ».
Même s’il croit voire une manœuvre des contempteurs du Cameroun tendant à saisir cette double occasion pour ternir l'image du pays en portant, par ricochet, atteinte à l'intérêt supérieur de l'État ainsi qu'à sa souveraineté., le Président de la CDHC va profiter pour rappeler que Le 12e tiret du préambule de la Constitution du 18 janvier 1996 stipule que : « [t]oute personne [...] doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture ». L'article 5 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dispose que : « [I]a torture physique ou morale [est] interdite ». L'article 7 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques suivant lequel précise que : « [n]ul ne sera soumis à la torture ». Les articles 279 et 289 du Code pénal de la République du Cameroun répriment les actes de torture et les dispositions de l'article 6 de la loi n° 2019/014 du 19 juillet 2019 portant création, organisation et fonctionnement de la CDHC selon lesquelles « [l]a Commission contribue à la consolidation de l'État de droit et à la lutte contre l'impunité en matière des Droits de l'homme ». Tout en concluant que : « En le faisant, le Cameroun se conformera à une tradition solidement établie depuis quelques années et hautement appréciée par les partenaires internationaux du pays qui consiste à réprimer systématiquement et promptement toutes les violations emblématiques des Droits de l'homme ». Au regard, de cette interpellation de la CDHC, on peut se rendre compte contrairement à l’imagerie populaire que la CDHC utilise simplement une démarche différente des Organisation de la société civile militante pour faire dans la condamnation et la réclamation de la justice dans le cas des violations des droits de l’Homme. Ce qui lui permet in fine de rédiger ses différents rapports qu’elle produit au courant de chaque année. A l’instar du Rapport alternatif de la CDHC au titre du 6è rapport de l’Etat au Comité Contre la Torture (CCT) qu’elle va présenter à l'occasion de sa 81ª session qui s’est ouvert le 28 octobre 2024. Et de remporter des lauriers à l’international à l’instar de l’accréditation de la CDHC au «statut A» du GANRHI en avril 2024.
Correspondance particulière de Siméon Ava
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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