SOSUCAM
Le Syndicat des Travailleurs Saisonniers de la Filière Canne à Sucre de la Haute-Sanaga avec le soutien de l’Association « On est Ensemble » vient de publier avec des informations à jour au 15 novembre 2023, un rapport sur les accidents de travail à la Société Sucrière de Cameroun. Elle enregistrerait 40% des accidents de travail du secteur de l’agro-industriel du Cameroun et 10% des accidents de travail enregistrés dans l’ensemble des entreprises au Cameroun. Pour une prise en charge, pas toujours dans le respect de la réglementation en vigueur.
La Société Sucrière du Cameroun (SOSUCAM), filiale de SOMDIAA dont le Groupe Castel est actionnaire majoritaire exploite 24 694 hectares de cannes à sucre dans le département de la Haute Sanaga au Cameroun fait partie des plus grands employeurs au Cameroun. La canne à sucre est une culture saisonnière, avec une activité accrue entre novembre et juin. Lors de la dernière saison (novembre 2022 - juin 2023), la SOSUCAM a employé 8 000 travailleurs au plus fort de la saison de plantation et de récolte, seules 883 personnes étaient employées de manière permanente au sein de l‘entreprise. Plus de 90% de la main d’œuvre est donc temporaire, avec pour la plupart des contrats saisonniers essentiellement, ou journaliers. Ils sont recrutés majoritairement dans la direction de l’exploitation agricole. Les manœuvres agricoles sont engagés en tant que planteurs, glaneurs ou coupeurs, selon la phase de la saison, ou encore pour s’occuper de l’épandage des produits phytosanitaires. D’autres saisonniers sont recrutés au transport des récoltes mais aussi à l’usine pour les tâches de manutention et d’empaquetage. Ces travailleurs sont plus vulnérables que les permanents : pas de sécurité de l’emploi, de moins bonnes conditions de travail, des salaires plus bas, aucune couverture maladie. De par la nature de son activité, la SOSUCAM expose ses travailleurs à une multitude de risques.
Un environnement accidentogène
Ainsi, lors de la dernière saison, au moins trois accidents de transport ont été enregistrés. Le 8 avril 2023, un bus l’une des 10 équipes de planteuses et transportant 70 personnes se renverse alors qu’il roule à vive allure. 35 personnes sont blessées, dont 02 très grièvement essentiellement des femmes, ont été blessées. Aucune de ces victimes n’estime avoir été prise en charge de manière totalement satisfaisante. Lors de sa dernière saison de culture qui s’est étalée de novembre 2022 à juin 2023, soit en huit (8) mois, il a dénombré au moins une centaine d’accidents du travail. Selon les données collectées au cours d’une enquête menée entre mai et septembre 2023 auprès des travailleurs et travailleuses de la SOSUCAM, seules 10% des accidentés de travail en 2023 auraient été prises en charge de manière complète. 70 des accidentés du travail rencontrés disent être victimes des coupures graves des outils pour couper les cannes (machettes) ou pour la plante (dabas) ; des accidents de transport, des blessures au pied (déboitement de la cheville, foulures) ; des éclats de cannes dans les yeux qui ont perdre au moins 03 personnes l’usage complet d’un œil ; des malaises dus à la chaleur conduisant chez certaines personnes des évanouissements, etc. La très grande majorité des victimes d’accidents du travail sont des travailleurs précaires, embauchés en tant que saisonniers. Dans son dernier Rapport de Développement Durable de 2019, 649 accidents du travail ont été enregistrés dans ses 12 filiales, dont 6 plantations de canne à sucre.
Le rapport indique que les conditions de travail et la pression mise sur les travailleurs sont des facteurs favorisant les accidents de travail dans les plantations. Ainsi pour produire 250 tonnes de sucre par heure, il est fait obligation aux travailleurs d’exploiter plus de 40 hectares chaque jour. La journée de travail peut ainsi aller de 4h30 à 17h ou 18h. Des exigences qui ont souvent entrainé des protestations et des grèves comme en février 2022. La quasi-totalité des victimes d’accidents de travail se plaigne de manquements au niveau de la prise en charge des frais de santé. Avec la modicité de leurs salaires (entre 20 000 FCFA et 75 000 FCFA), ils sont obligés de prendre en charge une partie des frais de leur traitement qui sont de plusieurs centaines de mille. Le flou règne sur les calculs effectués, ne laissant pas la possibilité aux victimes de contester les montants. L’ensemble des victimes attestent n’avoir aucun reçu officiel de l’argent qui est touché, remis de main à main ou via un transfert par les services téléphoniques. Plusieurs d’entre elles ne sachant ni lire ni écrire, cela rend leur tâche impossible pour bénéficier de leurs droits. Certains cas nécessitent un transfert dans les hôpitaux qui présentent un plateau technique acceptable dont les plus proches sont à Yaoundé. Soit a plus de deux (02) heures de voyages en partant des plantations de Nkoteng ou de Mbandjock. De plus, le 2 novembre, la SOSUCAM a unilatéralement décidé qu’elle ne prendrait plus en charge le transport des accidentés pour se rendre à l’hôpital pour leur suivi. Plusieurs gardent encore des séquelles graves et ont été laissées sans revenus. Brisant des corps et des familles.
Une prise en charge à problème
Des situations entretenues en violation flagrante de la loi n° 77-11 du 13 juillet 1977 portant réparation et prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles qui définit les obligations en matière de prise en charge suite à un accident du travail. Cette loi donne à l’employeur un délai de trois jours ouvrables pour déclarer tout accident du travail survenu dans l’entreprise. Mais les patients n’ont pas accès à leur dossier médical, et ne peuvent donc pas vérifier si les accidents sont bien déclarés, si leur dossier est complet, et si la procédure est en cours. Pour les syndicats ces situations dramatiques ne sont malheureusement pas rares, et les données collectées laissent transparaitre un problème systémique au sein de la société sucrière au niveau de la prise en charge des accidents de travail. La sécurité sociale et du travail est de la responsabilité de la Caisse Nationale de la Prévoyance Sociale. Elle comporte une branche dédiée à ce qui est appelée des risques professionnels notamment les accidents du travail et les maladies professionnelles. Selon l’annuaire statistique 2022 de la CNPS 10% des accidents de travail sont enregistrés à la SOSUCAM, 90% dans d’autres entreprises ; 40% des accidents de travail du secteur de l’agro-industrie viendraient de la SOSUCAM ; 90% des accidents de travail sont mal pris en charge ; sur 1004 réclamations 401 dossiers ont été validés.
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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