La Miss du Cameroun de la célébration de l’indépendance royalement oubliée
- Mathieu Nathanael NJOG
- 6 juil.
- 4 min de lecture
NGO MADENG PAULINE
Depuis son sacre le 1er janvier 1960, la septuagénaire n’a reçu aucune reconnaissance de l’Etat. Son majestueux Kaba Ngondo marron orné de dentelle et ses cheveux soigneusement coiffés sous un joli foulard, lui confèrent un look de vraie reine africaine, Ngo Madeng Pauline, épouse Ndeby Etjeke, est chic. Elle est pourtant très loin des strass et des paillettes qu’elle n’a connu que l’espace de quelques heures.

C’était la première Miss Cameroun, élu le vendredi 1er janvier 1960. Jour marquant l'accession du Cameroun à l'indépendance. Son teint noir et lumineux est le gage de son authenticité. Une claque au phénomène d’éclaircissement de la peau qui envahit le continent noir. Sonnant comme un renoncement à cette authenticité qui est à la source du slogan : « Black is beautiful... » Aujourd’hui, cette ancienne reine de beauté à 78 ans, et n’a pas perdu grand-chose de sa superbe. Si ses jambes la trahissent un tout petit peu, sa voix, elle, est restée forte et puissante.
Pauline a toute sa mémoire. Et, comme si c’était hier, elle se souvient de son casting pour le titre de : « Reine de l’Indépendance du Cameroun ». Elève à l’Ecole Notre Dame de Mvog-Ada à Yaoundé, elle a 17 ans. « Aucun casting n’a préalablement été organisé. Une candidate a d’abord été choisie. Mais, les religieuses m’ont préférée à elle, pour mon âge, mon physique et ma vivacité. Elles m’ont alors appris à marcher devant la tribune et à saluer les autorités », explique-t-elle, un brin nostalgique.
Une vie ordinaire
Avoir été le porte-étendard de toutes les populations du Cameroun lors du défilé marquant un tournant décisif du « Kontinent » pour traduire que ce pays porte bien sa dénomination d’Afrique en miniature, reste un réel honneur et une fierté pour elle. « Mes parents étaient contents de voir leur fille représenter le pays. C’était une histoire remarquable. Un évènement pour tout le village et même pour le peuple Bassa’a », se souvient-elle. Pourtant, Pauline n'aura pas profité de toute cette gloire. Elle n’a jamais été conviée à une commémoration relative à l’indépendance du Cameroun, même pas l’un des cinquantenaires célébrés dans ce pays, encore moins lors de l’une des phases finales de l’élection de Miss Cameroun qu’organise ces dernières années par le COMICA.
En somme, elle n’a jamais reçu la moindre reconnaissance officielle de la part des pouvoir publiques. Est-ce de l’ingratitude, de l’oubli, du déni… En effet, Pauline qui vit aujourd’hui dans la bourgade de Coucouwè sur la route de Kribi, à 5 km d’Edéa, a mené une vie ordinaire avec pour seule souvenir sa photo de de la Reine de beauté du Cameroun. Jouant comme il se doit son rôle d’épouse et de mère qui a enfanté six (06à enfants dont quatre (04) sont encore en vie. Se surprenant, elle-même, d’oublier ce statut et par ricochet qui n’attend rien du gouvernement camerounais. C’est d’ailleurs, avec beaucoup de réserve et surtout de scrupule qu’elle évoque le traitement qui lui a été administré. Dans le Parti politique où elle milite, beaucoup de ses camarades ne savent même pas qu’ils côtoient la première Reine de beauté consacrée du Cameroun indépendant. Encore moins ses voisins. Pourtant l’image de Pauline est utilisée dans des films et documentaires qui parlent du Cameroun.

« Autopsie d’une pseudo indépendance »
Dans le film produit et réalisé par Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf, on voit des séquences de son passage devant la tribune du quartier Hippodrome à Yaoundé (32è mn et 54 secondes), où se trouve l’actuel consulat de l’Ambassade d’Allemagne au Cameroun. D’un pas majestueux, elle défile devant des personnalités, tout en hissant haut le drapeau du Cameroun. Elle arbore une robe blanche de jeune fille innocente portant fièrement sa traine. On peut voir que Pauline est suivie par des représentants des partis politiques : l’Union Camerounaise d’Ahmadou Ahidjo et l’UPC entre autres.
Il y avait également derrière elle des carrés des associations, de la Police et de la Gendarme, des Militaires camerounais, des écoliers et des collégiens. Un passage qui avait fait exploser l’applaudimètre venant de la tribune où étaient assises des personnalités. Le Premier Ministre du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, le Secrétaire Général de l’ONU, Dag Hammarskjöld ; le Ministre de la France d’Outre-mer, Louis Jacquinot ; et l’ancien Premier Ministre israélien, Golda Meir. L’Afrique était aussi présente par Modibo Keita, Premier Ministre du Soudan français, l’actuel Mali.
La fête est belle !
Cette ignorance des autorités gouvernementales ne date pas d’aujourd’hui. « Juste après le défilé, les religieuses qui avaient confectionné mon costume l’ont repris. Je n’ai même pas été conviée à la réception organisée et je n’ai même pas eu un verre d’eau à la fin de toute exposition nationale à l’honneur de l’indépendance ». Or, tout le monde ira se désaltérer, sabrer le champagne pour célébrer « la liberté », se rappelle Pauline Ngo Madeng, la Reine de l’Indépendance, un air désintéressé. Elle regagnera chez elle le ventre vide, sans sa belle robe et sans sa couronne. C’est dire que le Cameroun est un pays qui ne fait rien pour célébrer ces icônes et avoir ses repères historiques.
Délphine Nkengni, Stagiaire
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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