The Okwelians Summit appelle à un renouveau du partenariat entre l’Etat et le Secteur Privé
- Mathieu Nathanael NJOG

- 24 mars
- 7 min de lecture
DIALOGUE PUBLIC – PRIVE
Lors du premier sommet économique de The Okwelians, tenu 19 au 21 mars à Yaoundé, dans l’optique de faire éclore des idées voire des solutions pour l’émergence économique du Cameroun, l’ancien journaliste, l’ancien Représentant résident de la Banque Mondiale en Algérie, et l’économiste chevronné, Emmanuel Noubissie Ngakam a été invité à explorer les pistes pouvant conduire à l’instauration d’un véritable dialogue public-privé au Cameroun. Au regard de ce que toutes les initiatives créées jusqu’ici n’ont pas porté les fruits escomptés. Sa communication était interpellative.

Parmi les 30 experts ayant intervenu dans les 15 panels organisés lors de la 1ère édition The Okwelians Summit, l’ancien représentant de la Banque Mondiale en Algérie, aujourd’hui à la retraite, Emmanuel Noubissie Ngakam a été invité a exposé sur le sous-thème intitulé : « Dialogue public – privé : vers un renouveau du partenariat État – Secteur privé ». Une intervention très enrichissante qui l’a permis de faire un état des lieux du partenariat entre l’Etat du Cameroun et le Secteur privé. En s’interrogeant d’emblée si ce partenariat dans le sens étymologique du terme « n’a-t-il jamais vraiment existé ? » il est arrivé toutefois à reconnaitre, qu’il y a eu des mécanismes de dialogue entre les deux entités, mais il fait remarquer qu’au fil du temps, ces mécanismes ont pris des formes diverses avec en toile de fond, il faut le reconnaître, une volonté plus ou moins partagée de trouver des compromis sur des questions spécifiques sans que pour autant ces mécanismes revêtissent toutes les caractéristiques d’un partenariat. Pour mieux se faire comprendre, il va alors faire l’historique de ce partenariat entre l’Etat du Cameroun et le Secteur Privé qui va déboucher au fil des ans sur ce qui a tenu lieu de dialogue Secteur Public- Secteur Privé. Rappelant que les premières démarches structurées qui ont prévalu jusqu’au début des années 2 000 portaient l’estampille du « Comité Interministériel Elargi au Secteur Privé ». Précisant que cet événement annuel se confinait à une forme de Conseil des ministres auquel le Secteur privé était convié. Sans oublier que l’agenda, les participants, les dates et lieu étaient décidés par le gouvernement sans aucune concertation avec l’autre partie. Ce d’autant plus que pour certains exégèses membres du comité d’organisation, convier le secteur privé à une telle grand-messe était un privilège qui lui était concédé. Et de souligner que : « La synergie de pensée et d’action qui aurait pu servir de trame de dialogue entre les deux entités n’existait pas ».
Feedback du dialogue public-privé
Cependant, le leadership du Ministre de l’Economie et des Finances de 1997 à 2001, Édouard Akame Mfoumou, va permettre d’impliquer pleinement le patronat dans la réforme fiscale qui a abouti à la suppression de la Taxe sur le Chiffre d’Affaires (TCA) et l’introduction de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) en 1998, dopant de manière significative la mobilisation des ressources intérieures de l’Etat. Et aussi impliquer fortement dans les négociations de la mise en œuvre des programmes conclus avec le FMI et la Banque Mondiale. Permettant ainsi au secteur privé d’être partie prenante dans la mise en œuvre des réformes qui ont entre autres abouti à « l’atteinte du Point de Décision de l’Initiative PPTE en octobre 2000 ». Pour autant, indiquera Emmanuel Noubissie Ngakam : « Ces initiatives isolées ne fondent pas pour autant un partenariat structuré et agissant entre l’Etat et le Secteur privé ». C’est alors que la Société Financière Internationale (IFC), une organisation du Groupe de la Banque mondiale consacrée au Secteur privé va entrer en scène en 2009 en essayant de dupliquer au Cameroun le modèle vietnamien réussi de dialogue public-privé avec la création du Cameroon Business Forum (CBF) pour remplacer le Comité Interministériel Élargi au Secteur Privé. « Sauf que la greffe n’a pas pris », déplorera-t-il. Et de poursuivre : « Quinze (15) ans après sa première édition qui s’est tenue en février 2010, il est difficile de faire une évaluation de l’atteinte des objectifs du CBF tant les indicateurs des dits objectifs n’ont pas été clairement définis en dehors du classement du rapport Doing Business dans lequel le Cameroun a été 167è sur 181 en 2009 et encore 167ème sur 190 en 2020 !!!!! C’est dire que le CBF, malgré l’accompagnement technique de IFC est loin, très loin d’avoir atteint son objectif majeur. » Pour l’économiste, les raisons sont diverses. Elles tiennent notamment d’un déficit de confiance entre les deux parties et la mise en avant d’une visée essentiellement transactionnelle et comptable. Ceci du fait que le Secteur Privé étant essentiellement perçu par certains acteurs publics sous le seul prisme de pourvoyeur de ressources pour l’Etat à travers la fiscalité.

Dans cet état d’esprit, on peut comprendre que depuis lors, la proposition faite à l’époque par le Patronat « fort » de l’époque, à savoir la création du Cameroon Business Council (CBC) n’ait pas fait sourciller le Gouvernement qui y a réservé une fin de non-recevoir. Ce d’autant plus qu’il, tient toujours à la relance imminente du Cameroon Business Forum (CBF) comme l’a annoncé quelques semaines plus tôt, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Chief Joseph Dion Ngute. Entre temps, le Gouvernement fignole. Puisque dans le programme soutenu par deux accords triennaux au titre de la Facilité Elargie de Crédit et du Mécanisme Elargi de Crédit dans lequel le Cameroun s’est engagé le 29 juillet 2021, avec le FMI, est sous-tend par des conditionnalités. L’une d’elle contraint le gouvernement à « renforcer le format de concertation entre les secteurs public et privé en intégrant des groupes thématiques avec des réunions au moins tous les six mois pour suivre la mise en œuvre des recommandations du Cameroon Business Forum », rappelle Noubissie Ngakam. Malheureusement, le Gouvernement a trouvé des pirouettes en multipliant des rencontres avec le Secteur Privé sans en faire véritablement une concertation formelle. Et pourtant précise-t-il, les enjeux sont de taille et les sorts de l’État et du Secteur Privé sont liés. De manière qu’il est impérieux, si le Cameroun veut réaliser son plein potentiel, d’instaurer un véritable partenariat entre l’Etat et le Secteur Privé. « Un partenariat allant au-delà du simple dialogue et des rencontres épisodiques dont on ne retient que la photo de famille et le gala de clôture », ironise Emmanuel Noubissie Ngakam.
Une impérieuse nécessité
Après avoir fait cette historique, l’ancien Représentant résident de la Banque Mondiale en Algérie va appeler de tous mes vœux un véritable partenariat entre l’Etat et le Secteur privé qui est un gage de renforcement de la confiance, de l’amélioration du climat des affaires, de revitalisation de l’attractivité et la compétitivité d’une économie. « Ce partenariat doit être un mécanisme institutionnel de collaboration structurée visant à produire des résultats », insiste-t-il. Parce qu’il est convaincu que, pour qu’il soit fécond, le partenariat requiert la solidité et la fiabilité des superstructures institutionnelles des secteurs public et privé et de leur capacité à définir de manière concertée leurs objectifs communs, les responsabilités de chacune des parties et les mécanismes de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des engagements des partenaires. A cet effet, cela devra dépasser les rencontres périodiques qui ont lieu en ce moment et qui sont certes importantes, mais ne constituent pas une fin en soi. Car, les superstructures institutionnelles de l’Etat et du Secteur Privé doivent être imbriquées pour devenir un système. « Et pour que ce système fonctionne harmonieusement, le partenariat doit avoir pour socle la confiance et la reconnaissance de la légitimité des partenaires », martèle-t-il. Et d’ajouter : « Pour que ce partenariat revitalisé fonctionne de manière optimale, il doit reposer sur un postulat : L’acceptation du fait que les acteurs des secteurs public et privé ont l’impérieux devoir de travailler ensemble pour développer une économie prospère ». Pour lui, ce partenariat qu’il appelle de tous ses vœux est un impératif absolu sans lequel les principaux piliers de la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND30) notamment, la transformation structurelle de l’économie, la promotion de l’emploi et de l’insertion économique, ou encore l’orientation stratégique relative à la politique d’import-substitution, ne seraient que des incantations.

Parce qu’il tient à rappeler que la transformation structurelle de l’économie qui est le pilier central de la SND30 réfère explicitement à « une démarche et des actions qui seraient implémentées pour parvenir à un accroissement substantiel de la part du secteur secondaire (industrie) et la diversification de l’économie ». Tout en faisant constater que pratiquement tous les objectifs de la SND30 relèvent de la responsabilité et des actions du Secteur Privé qui en toute logique devrait être consulté à défaut d’être associé à la détermination des prérequis à l’atteinte des dits objectifs. Partie de ce postulat, il va déclarer avec emphase qu’«il est indéniable que le partenariat entre l’Etat et le Secteur Privé est un gage de renforcement de la confiance, d’amélioration du climat des affaires, de revitalisation de l’attractivité et la compétitivité d’une économie. Surtout que ce partenariat doit être un mécanisme institutionnel de collaboration structuré visant à produire des résultats ». Pour qu’il soit fécond, le partenariat requiert la solidité et la fiabilité des superstructures institutionnelles des secteurs public et privé et de leur capacité à définir de manière concertée leurs objectifs communs, les responsabilités de chacune des parties et les mécanismes de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des engagements des partenaires. Indiquera Emmanuel Noubissie Ngakam. Avant de conclure que : « La réalisation du dessein économique du Cameroun passe entre autres par l’amélioration du climat des affaires dont le préalable est le renouveau du partenariat entre l’Etat et le Secteur privé. Ce renouveau passe par des changements systémiques notamment en ce qui concerne d’une part la considération que l’Etat accorde au secteur privé et d’autre part, la représentativité du secteur privé plombée par un déficit d’inclusivité ». Non sans insister sur le fait que pour que ce système fonctionne harmonieusement, le partenariat doit avoir pour socle la confiance et la reconnaissance de la légitimité des partenaires.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
www.lecanardlibere237.com
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