Le risque Tchiroma est mathématiquement inférieur au désastre Biya
- Mathieu Nathanael NJOG
- 5 oct.
- 3 min de lecture
CHOCOCAM
On ne choisit pas toujours ses batailles, parfois ce sont les circonstances qui les imposent. Mon cœur, mon âme, mon engagement viscéral resteront éternellement liés au Pr. Maurice Kamto. Mais l’histoire n’est pas toujours fidèle à nos désirs, elle se joue dans le réel, souvent abrupt, parfois cruel. L’exclusion arbitraire et injuste de Kamto de la présidentielle 2025 a créé un vide que nous ne pouvons remplir qu’en affrontant une question simple : voulons-nous laisser Paul Biya s’imposer une nouvelle fois par inertie, ou saisir l’occasion de renverser le rapport de forces ?

Je précise d’emblée que, n’ayant plus la nationalité camerounaise, je ne peux pas voter. Ce que je partage ici n’est donc pas une consigne, encore moins un appel formel, mais une réflexion personnelle : si j’avais la possibilité de voter, mon choix irait, par pragmatisme, à Issa Tchiroma Bakary. Non par affinité idéologique, mais parce qu’il est aujourd’hui le seul capable de battre Paul Biya dans les urnes. Et si, par miracle de réalisme politique, une coalition devait naître entre Tchiroma et Bello Bouba Maigairi, je n’exclus pas que je voterais même pour Bello s’il en devenait le porte-étendard. Non par conviction, mais par pur calcul stratégique : écarter Biya, coûte que coûte.
Les faits sont têtus. Là où le RDPC peine à rassembler autrement que par la distribution de vivres, de T-shirts et de promesses vides, Tchiroma mobilise réellement, de Bertoua à Maroua, de Bafoussam à Ngaoundéré. En 2018, Paul Biya avait construit sa victoire sur deux piliers : environ 48 % des voix chiffres elecam venues du Grand Nord et seulement 23 % grappillées dans le Sud. Sans le Nord, Biya n’était rien d’autre qu’un président minoritaire. En 2025, ce socle est assurément brisé. L’onde de choc populaire autour de Tchiroma et dans une certaine mesure celle de Bello Bouba dans le septentrion prive Biya de son principal bastion électoral. Et quand on connaît la centralité du " vote régional " dans les régimes néo-patrimoniaux, on comprend que la géographie électorale du Cameroun est en train de se redessiner.
À ce stade, trois évidences s’imposent à mes yeux :
1. Le risque Tchiroma est mathématiquement inférieur au désastre Biya.
En sciences politiques, on appelle cela le principe du moindre risque. Si Tchiroma devenait président, il ne pourrait faire pire que Biya et son clan. C’est presque impossible : quatre décennies de prédation, d’autoritarisme et de corruption ont transformé ce régime en ce que les sociologues appellent une « kleptocratie vieillissante », incapable de se réinventer. Toute alternance, même imparfaite, représente déjà une rupture salutaire.

2. Tchiroma ne disposera jamais des leviers pour instaurer une dictature durable.
Biya avait construit en quarante ans un État hyper-centralisé, une armée clanique et un appareil sécuritaire verrouillé. Tchiroma n’aura ni le temps, ni les réseaux, ni la longévité pour reproduire ce modèle. L’histoire des transitions politiques montre qu’un régime de substitution sans appareil de coercition consolidé se fragilise rapidement et ouvre la voie à une reconfiguration démocratique. Ghana après Rawlings, Nigéria après Abacha, Mali après Traoré : aucun successeur n’a pu reconstruire une dictature aussi forte que celle qu’il remplaçait.
3. Une alternance, même chaotique, entraîne toujours une redistribution des cartes.
La science politique parle de fenêtre d’opportunité démocratique. Quand un régime autoritaire tombe, ce qui suit n’est pas toujours idyllique, mais ce n’est jamais la continuité du pire. Une fois Biya et son clan écartés, il y aura forcément recomposition des élites, réouverture du champ politique, redistribution des rôles. Peut-être du désordre, peut-être des compromis douteux, mais toujours mieux que la sclérose mortifère dans laquelle le RDPC veut nous enfermer.
Je respecte profondément ceux qui restent fidèles à leurs candidats « historiques » ou « jeunes pousses ». Mais il faut avoir le courage de regarder la réalité en face : aucun de ces partis n’atteindra 3 %. Et l’histoire ne retiendra pas celui qui sera arrivé troisième ou quatrième, elle retiendra celui qui aura brisé la mécanique d’un demi-siècle d’oppression.
C’est pourquoi, même sans pouvoir voter, je l’affirme clairement : si j’avais une carte électorale, je ne la laisserais pas dormir dans un tiroir. Elle porterait probablement le nom de Tchiroma. Ou même celui de Bello si une coalition (incluant Tchiroma) se dessinait autour de lui. Non par enthousiasme, mais parce qu’il faut savoir préférer l’incertitude du changement à la certitude du désastre..
Julie Foka
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