L’Association Droit et Paix tisse large la toile des abolitionistes
- Mathieu Nathanael NJOG
- 22 août
- 5 min de lecture
PEINE DE MORT AU CAMEROUN
A l’initiative de l’Association Droit et Paix en partenariat avec le RACOPEM, des avocats, artistes, écrivains, cinéastes, journalistes, acteurs de la société civile, et familles des condamnés à le peine de mort ont participé du 20 au 21 août 2025 à Douala, à un atelier de formation des femmes et défenseurs des droits humain organisé sur le thème : « Genre et peine de mort au Cameroun ».

C’est dans une sorte de village des abolitionnistes que s’est déroulé du 20 au 21 août 2025 à Douala, l’atelier de formation des femmes et défenseurs des droits humains sur le thème : « Genre et peine de mort au Cameroun ». Pendant deux jours, la trentaine de participants parmi lesquels des avocats, artistes, écrivains, cinéastes, journalistes, acteurs de la société civile, et familles des condamnés à le peine de mort ont suivi les exposés, effectué des échanges et procédé aux travaux en ateliers. Me Nestor Toko sur le module : « Le droit international des droits humains et la femme encourant la peine de mort », a permis de comprendre que les pactes et conventions qui sont au-dessus des lois nationales exemptent la peine de mort les personnes présentant des troubles mentaux, des femmes enceintes et enfants de moins de 18 ans. – La psychologue Mme Nadège Biloa sur le module : « Les violences basées sur le genre et leur impact sur le comportement des victimes » a montré l’importance d’effectuer des séances de psycho-thérapeutiques aux auteurs et victimes des délits pour comprendre leur état d’esprit et leur état mental ce d’autant plus que les rapports des psychologues peuvent être produits lors des procédures judiciaires pour aider à comprendre le comportement des condamnés ou des prévenus poursuivi pour des délits encourant la peine de mort. -Me Solange Tchamba sur le module : « la dimension genre dans l’application de la peine de mort au Cameroun » a éclairé sur l'inconstitutionnalité de la peine de mort au Cameroun. Soutenant que la constitution étant la norme suprême, et le fait qu’elle garantit le droit à la vie et l’interdiction de la torture à tous les citoyens, il va donc de soi que les lois qui sont inférieures à la constitution et qui prévoient la peine de mort sont contraire à la constitution, par conséquence sont de ce fait inconstitutionnels. « Donc, de notre point de vue, le législateur aurait dû arrimer les lois pénales qui prévoient la peine de mort à la norme suprême que la constitution qui lui garantit le droit à la vie ». Et d’expliquer que : « Le législateur ne l'ayant pas fait, c'est ce qui explique qu'aujourd'hui, bien que la peine de mort soit contraire à la constitution, que les magistrats continuent à appliquer la peine de mort en se fondant sur les lois nationales qui, elles, sont inférieures à la constitution », soulignera-t-elle.
Ce combat pour l’abolition de la peine de mort que mène depuis 2010, l’Association Droit et Paix que dirige Me Nestor Toko avec l’appui des partenaires comme la Francophonie, l’Union Européenne, la Coalition Mondiale Contre la Peine de Mort et Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM), peut se féliciter des avancés engrangés. Ainsi, s’il est vrai que la peine de mort existe encore au Cameroun, il est à noter que le Cameroun n’a procédé à aucune exécution depuis 1997. De même que le débat sut l’abolition de la peine de mort n’est plus une question taboue dans les sphères de l’Etat. Le rapport de la mission d’enquête dans les couloirs de la mort au Cameroun de 2024 estime à environ une centaine de personnes se trouvent dans les couloirs de la mort parmi lesquelles trois (03) femmes et plus de 1 000 femmes dont les affaires sont pendantes en justice et qui risquent une condamnation à la peine de mort. Cette sentence est prononcée les juridictions aussi bien civiles que militaires. En 2019, ce rapport indiquait qu’une grande majorité des femmes condamnées à mort, ne sont pas alphabétisées, présentent des handicaps intellectuels, mentaux et/ou psychosociaux et ont subi des violences fondées sur le genre. Me Michée Collins Baniem sur le module : « Lutte contre la peine de mort dans un contexte marqué par les féminicides », a relevé que l’aspect genre peut conduire à la discrimination dans la condamnation de la peine de mort. Ce d’autant plus que de nombreuses femmes n’ont pas accès à un procès équitable lorsque les antécédents et circonstances du crime liés au genre ne tiennent pas en compte un passé de violences fondées sur le genre. « L’analyse des jugements révèle qu’au Cameroun, la plupart des femmes condamnées à mort sont reconnues coupables de meurtre, souvent perpétrés en réponse à des violences fondées sur le genre infligées par des partenaires masculins », a-t-il indiqué. Il ressort par ricochet que les femmes sont davantage exposées à la peine de mort.

L’ensemble de l’arsenal juridique n’est pas en reste. Il prédispose à la condamnation à la peine de mort Cameroun. Parce que dans un bon nombre de de dispositions du Code pénal énonce plusieurs infractions (commises dans le cadre de l'enceinte portuaire, de l’aviation, à caractère militaire, …) sont susceptibles d'être punies de la peine de mort. Un état des lieux qui justifie l’organisation du présent atelier de formation qui entre dans les priorités du Projet : « Les Voies de l’Abolition » afin de tisser large la toile des abolitionnistes sur leur rôle crucial que chacun des acteurs présents devrait mener dans la lutte contre la peine de mort. A cet effet, tous les participants ont pris l’engagement de contribuer à ce combat noble. A l’issue des travaux en ateliers, ils ont présenté plusieurs projets à court et moyen terme dans le domaine de la littérature, le théâtre, le cinéma, la communication, l’assistance, … Pour rendre cela concret, l’expert Armand Nouwe a exposé sur la rédaction des projets en tenant des indicateurs primordiaux que sont l’identification des projets, la définition des objectifs, des indicateurs et des activités nécessaires pour les rendre finançables. Mais aussi, il va les entretenir sur la recherche des financements en le présentant les astuces pour obtenir les financements et les canevas types d’une réponse à un appel à projet. Au final, de ce combat, Droit et Paix en 15 ans a pu en appel faire acquitter environ 150 condamnés parmi lesquels 11 femmes. Ce qui aura valu à son promoteur, Me Nestor Toko de remporter à l’international du « prix de la meilleure défense ». Qui soutient mordicus que : « C'est un combat noble qui mérite d'être engagé, d'être soutenu par toutes les voix de la société ». Car dans une population qui est favorable à l'application de la peine de mort, la sensibilisation de l'opinion publique sur son abolition devient une mission cruciale. Preuve que le combat n’est facile. « Nous reconnaissons que c'est un combat de longue haleine et nous avons accepté de l'éliminer et nous y allons », conclura Me Nestor Toko.
Mathieu Nathanaël NJOG
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