Une cinquantaine d’OSC interpellent le Chef de l’Etat sur la menace d’une implosion sociale
- Mathieu Nathanael NJOG
- 9 mars
- 6 min de lecture
ELECTION PRESIDENTIELLE 2025
Dans la perspective des enjeux que charrie l’élection présidentielle de cette année 2025, un Groupe de Travail des Organisations de Société Civile a adressé le 4 mars 2025, une quatrième lettre ouverte au Président de la République, Paul Biya à l'effet d'attirer sa très haute attention au sujet de la nécessité de poser dans l’urgence des actes afin d’apaiser le climat socio-politique assez tendu, avec péril sur la démocratie et une crainte réelle pour la paix et la cohésion sociale ledit scrutin

Après les lettres ouvertes adressées le 10 avril 2019, aux Parlementaires ; le 22 juillet 2019, le 07 mars 2024 et le 02 avril 2024 au Président de la République respectivement sur sa responsabilité à assurer un cadre juridique et institutionnel qui garantisse la transparence et l’équité électorales., pour lui faire parvenir la liste de plus de 5000 camerounais signataires d’une pétition lancée en ligne en vue d’exiger la réforme du système électoral camerounais avant les prochaines échéances électorales et sur le fait que le code électoral actuel y compris les aspects constitutionnels relatifs aux élections, comportait plusieurs éléments conflictogènes et/ou qui violent les principes démocratiques. ; des préoccupations qui restent d’actualité à nos jours ; le Groupe de Travail de la cinquantaine d’Organisations de la Société Civile pour la réforme du système électoral revient à la charge avec une lettre ouverte du 4 mars 2025 qui tire la sonnette d’alarme sur la menace d’une déflagration sociale. Les indicateurs de cette imminente éruption volcanique sont entretenus par des actes posés par certains membres du gouvernements et responsables de certaines institutions publiques. C’est le cas du communiqué de presse du 12 mars 2024 du Ministre de l’Administration Territoriale (MINAT), Paul Atanga Nji dans lequel il menace à tort certains leaders et formations politiques de l’opposition qui ont décidé de mutualiser leurs forces autour des alliances. Notamment, les mouvements dénommés Alliance Politique pour le Changement (APC) et Alliance pour la Transition Politique au Cameroun (ATPC). L’enlèvement, le 24 juillet 2024 à Douala aux environ de 19 heures, du jeune Junior Ngombe, 23 ans par trois gendarmes en civile pour se retrouver au Secrétariat d’Etat de Défense (SED) et par la suite être présenté au Tribunal Militaire de Yaoundé pour les accusations de : « incitation à la rébellion ». Il sera libéré sous caution une semaine plus tard afin de comparaitre libre. Son seul crime, avait été d’avoir diffusé dans les réseaux sociaux des messages de sensibilisation en direction de la jeunesse sur la situation sociopolitique du pays, tout en les invitant à aller s’inscrire massivement sur les listes électorales.
Le 6 décembre 2024, le Ministre de l’Administration Territoriale suspendait le REDHAC de toute activité sur toute l’étendue du territoire national pour une durée de trois (03) mois. Les motifs évoqués sont : - Financements illicites et exorbitants et inadéquation avec le profil de l’activité ; - Activités de nature à porter atteinte à l’intégrité du système financier national ; - Non-respect des dispositions légales relatives au fonctionnement d’un organisme à but non lucratif ; - Absence de justification et de destination des financements reçus. Trois plus tard, le REDHAC demeure scellé. Le 09 janvier 2025, le point focal ELECAM France-Nord/Ambassade du Cameroun à Paris, a rendu public le calendrier des inscriptions sur les listes électorales pour les Camerounais résident en France. Ledit calendrier prévoit que les inscriptions se feront uniquement les mardis et jeudis ouvrables entre 13h et 16h. Cette décision viole l’article 74 alinéa 2 : « La révision annuelle des listes électorales commence le 1er janvier et s’achève le 31 août de chaque année ». Et le Code Electoral indique la période ouverte des inscriptions sans interruption. Entre janvier 2024 et février 2025, les Sous-préfets son signé pas moins de 15 cas d’interdictions de manifestation et de réunions publiques projetées tant par les partis politiques que par les organisations de la société civile. Tout en soulignant que ces cas, non exhaustifs « ne sont pas loin d’être des indicateurs du caractère conflictuel et conflictogène de notre environnement électoral, favorables à de probables contestations pré et post-électorales. »
Suspicions sur la crédibilité du processus électoral
En outre le Groupe de travail énumère une liste de situations qui contribuent à entretenir la suspicion qu’ont les électeurs quant à la volonté de l’administration et d’ELECAM à créer un environnement propice aux élections justes, transparentes et équitables. A l’instar de :la vidéo devenue virale dans les réseaux sociaux en avril 2024, dans laquelle des riverains du village Mansouen dans l’Arrondissement de Massagam, Département du Noun région de l’Ouest, ont découvert que des inscriptions sur les listes électorales se déroulaient dans un domicile privé, où il y avait également une unité d'identification pour Cartes Nationales d'Identité (CNI). Par ailleurs, en date du 20 octobre 2024, ELECAM a rendu public le nombre provisoire des inscrits, soit 8 116 960personnes avant toilettage. A l’issue de cette publication, plusieurs acteurs politiques sont montés au créneau pour contester les chiffres communiqués, argumentant que ELECAM aurait extrait volontairement au moins 120 000 personnes inscrites du fichier. Après ces dénonciations, le Directeur Général d’ELECAM dans un communiqué a indiqué qu’il s’agissait des personnes qui ont été extirpées pour défaut d’empreintes digitales. Après insistance de certains acteurs électoraux, le 26 novembre 2024, le Directeur Général d’ELECAM déclare que ces 120 000 personnes seront réintroduites dans le fichier électoral. Le 24 décembre 2024, une vidéo a été mise en circulation dans les réseaux sociaux, avec un individu arborant la tenue de campagne de la coalition du candidat du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC, parti au pouvoir) à l’élection présidentielle de 2018. D’après la vidéo, ce dernier serait impliqué dans un processus de fabrication de fausses cartes d’électeurs dans la localité de Ngaoundéré, dans la région de l’Adamaoua. L’auteur de cette dénonciation a été enlevée par des personnes non identifiées, conduit dans un lieu inconnu et c’est plusieurs jours après que sa famille a appris qu’il était retrouvé amoché dans les cellules du SED où sa famille n’a toujours pu le rencontrer.
Le 30 décembre 2024, en lieu et place de la liste électorale nationale, c’est-à-dire, la liste intégrale de tous les inscrits à l’issue de la révision annuelle après nettoyage comme le prescrit l’article 80 du Code Electoral, ELECAM a rendu publique une note présentant le nombre total des inscrits au 31 décembre 2024. A la suite de cette publication, plusieurs acteurs politiques et de la société civile ont saisi le Conseil Electoral d’Elecam, la Cour d’Appel de la région du Centre et le Conseil Constitutionnel en vue de faire appliquer ladite disposition du Code Electoral. En vain. En 2024, certains électeurs avaient déjà saisi pour la même cause, le tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé. Les instances juridictionnelles suscitées se sont déclarées incompétentes. Le 28 Janvier 2025, le Conseil Electoral a adressé une correspondance au Président du MRC, en guise de réponses aux requêtes formulées, à savoir que le processus d’actualisation et de sécurisation du site internet officiel d’ELECAM récemment piraté et endommagé est sur le point d’aboutir ; et qu’il permettra une consultation plus aisée en ligne des données relatives à chaque électeur. Une réponse qui semble ne pas satisfaire l’ensemble des acteurs électoraux, qui estiment que ELECAM n’a pas donné de garanti de publication du fichier électoral national.

Au Président de la République de prendre ses responsabilités
Au regard de tout ce qui a été relevé, la cinquantaine des Organisations de la Société Civile camerounaise ont été obligé de faire quelques interpellation pour la réforme électorale: - Attirent l’attention du Chef de l’Etat, en tant que garant du respect des institutions et de la protection des citoyens en général, et en particulier des hommes et organisations politiques, sur les dérives langagières de vos collaborateurs qui non seulement contribuent à ternir l’image de notre pays, mais constituent aussi des vraies menaces à l’ordre public ; - Appellent le Président de la République à interpeler ses collaborateurs notamment le Ministre de l’Administration Territoriale, afin qu’ils évitent des actes de provocations des corps sociaux, dans un contexte où les crises sécuritaires ajoutées aux difficultés économiques prégnantes ont rendu le climat social et politique déjà suffisamment tendu ; - s’inquietent du rétrécissement de l’espace civique et politique, à travers les interdictions et perturbations systématiques des réunions publiques et manifestations pacifiques ; - Interpellent le Président de la République sur l’exigence non seulement de faire publier la liste nationale électorale, tout en procédant à l’audit du fichier électoral en lui-même, mais aussi de faire respecter par ses collaborateurs les engagements pris par l’Etat du Cameroun tant au niveau national, régional qu’international en vue de pacifier les rapports sociaux avant, pendant et après les élections. Afin d’éviter que les germes des contestations post-électorales qui ont été enregistrées à l’élection présidentielle de 2018, les législatives et municipales de 2020, parce que des candidats et partis politiques dénonçaient les imperfections du système électoral et des violations graves de la loi électorale ne se reproduisent avec un relent d’implosion sociale comme plusieurs indicateurs le présagent.
Mathieu Nathanaël NJOG
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Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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